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Polemici: Claude Karnoouh. Obscenite ethique du capitalisme
Scris la Thursday, April 22 @ 21:08:03 CEST de catre asymetria |
« Le jour où la merde vaudra
de l’or, le cul des prolétaires ne leur appartiendra plus »
(Henry Miller)
Obscénité éthique du capitalisme
« Le jour où la merde vaudra
de l’or, le cul des prolétaires ne leur appartiendra plus »
(Henry Miller)
Le 2 avril 2010, on pouvait lire sur
l’un des sites boursiers français de référence, Boursorama, la
dépêche suivante que je cite dans son intégralité :
« Les gérants des fonds
spéculatifs (hedge-funds) ont touché des sommes records en
2009, les cinq premiers gagnant chacun plus d'un milliard de dollars,
grâce au redressement des places financières, selon le classement
annuel du magazine AR Absolute Return+Alpha dévoilé par le New
York Times. Le leader de ce classement est l'Américain David
Tepper, du fonds spéculatif Appaloosa Management, qui a parié
sur le redressement des banques et sur la dette du géant américain
de l'assurance AIG, sauvé de la faillite par l'état en 2008. Il a
perçu quatre milliards de dollars en 2009, du jamais-vu dans le
secteur. Le financier américain d'origine hongroise George Soros
(Soros Fund Management), arrive en deuxième position avec 3,3
milliards de dollars. Il est suivi par James Simmons (Renaissance
Technologies) avec 2,5 milliards de dollars.
L'Américain John Paulson, du fonds
éponyme, qui détenait déjà le record de rémunération avec 3,7
milliards de dollars en 2007, est quatrième avec 2,4 milliards de
dollars. Le cinquième est Steve Cohen de Sac Capital avec 1,4
milliard de dollars. Ce classement prend en compte la valeur de leur
part dans le fonds et les émoluments reçus. L'essentiel de la
rémunération est lié aux frais de gestion et aux commissions de
performances. Au total, les vingt-cinq dirigeants de fonds
spéculatifs les plus payés au monde ont perçu 25,33 milliards de
dollars (18,6 milliards d'euros), soit le double de ce qu'ils avaient
gagné en 2008, au plus fort de la crise financière. En 2007,
considérée comme année record, les vingt-cinq gérants de
hedge-funds les mieux rémunérés avaient gagné 22,3
milliards de dollars.
Les fonds spéculatifs brassaient en
2009 entre 1.200 et 1.300 milliards de dollars dans le monde, contre
2.000 milliards de dollars avant la crise financière qui a éclaté
en 2008. »
Voilà l’information, elle est brute,
claire et simple… Sur les fonds publics prêtés au cours de
l’année 2009 soit à très bas taux soit à taux zéro pour sauver
le système économique mondial de la déconfiture totale, les
gérants et propriétaires des hedge-funds les plus importants
ont réalisé, pendant une crise qui dure toujours, des bénéfices
sans précédent ! Ils ont tout simplement pris les bénéfices
des intérêts et des services produits par de l’argent public…
De fait, avec la complicité explicite, énoncée publiquement, des
hommes politiques dirigeant les grandes puissances occidentales
(quels ont été les avantages qu’ils en tirent à présent ?),
ces financiers se sont comportés comme des brigands de haut vol,
comme des écumeurs de haute mer, embusqué, à l’affut toujours à
mettre la main sur toute valeur rentable qui passe à leur portée.
Certes, ces gens ne tuent plus directement leurs victimes, ils les
condamnent au chômage et à la prise en charge par la collectivité
(donc une seconde fois garantis par des fonds publics) ou, plus
férocement, comme aux états-Unis, ils les renvoient aux marges de
la société, aux taudis des ghettos, à la détresse des SDF (cf.,
Mike Davis, City of Quartz).
Si ces pirates, aux activités tout à
fait légales (mais, à l’évidence hautement illégitimes en terme
d’éthique publique), se révèlent des hommes sans foi ni loi,
prêts à appauvrir sans coup férir des milliers, voire des dizaines
de milliers de gens, le fait et la situation n’est guère nouvelle,
elle appartient à la réalisation de l’essence même du
capitalisme, à sa dynamique la plus intime, et fut mise en œuvre
dès l’aurore de cette forme de gestion des rapports de production
entre les hommes, caractérisée sans reste par un décalage toujours
plus marqué entre celui qui détient un capital quelconque (argent,
machine, matière première, terre, etc.) et celui qui n’a d’autre
propriété que sa force de travail (physique ou intellectuelle),
c’est-à-dire ce qui lui a été attribué, naturellement, dans le
fait qu’une femme lui a donné la vie… Ainsi Venise – première
société capitaliste du monde au sens propre du terme en ce que
l’argent y est déjà conçu comme produit de la finance et du
commerce (comme l’atteste un testament de 980, où un patricien
conseille à son épouse : « lascia
il denaro lavorare ») –
confrontée à
l’incapacité des croisés de régler le coût de leur transport en
Terre Sainte lors de la quatrième croisade (1204), les contraignit
comme prix de la dette à piller Constantinople, capitale du plus
ancien empire chrétien luttant journellement contre l’inexorable
avancée des Turcs musulmans. Nous avons déjà là, l’exemple du
plus parfait cynisme propre au capitaliste où rien ne compte en deçà
et au-delà du profit, pas même, en ce Moyen-âge, une foi commune
en la double nature du Jésus-Christ.
Avec un peu d’imagination et cum
grano salis, le cas actuel des enjeux de la dette orchestré par
le FMI pour les pays en voie de développement ou, présentement,
pour la Grèce, illustre toujours cet esprit de flibuste et de
pillage propre au capitalisme. Certes la Grèce a manifesté quelque
insouciance dans ses emprunts pendant la crise, et un peu de
discipline économique lui serait nécessaire pour se remettre à
flot. Or la chose s’avérerait bien plus aisée si de puissants
fonds spéculatifs ne jouaient pas contre elle, en ce que plus on
fait baisser l’euro, plus le pays doit emprunter en dollars à des
taux élevés sur le marché de l’argent et plus les bénéfices
des prêteurs augmentent, finançant des profits colossaux par la
plus-value réalisée sur le travail des citoyens (augmentation
drastique de la rentabilité du travail, baisse des salaires,
délocalisation, mise au chômage, augmentation des impôts directs,
indirects et des taxes diverses, etc.)… Ainsi, il semble que rien
n’ait changé en son essence depuis la prise de Constantinople, et
le brigandage demeure le fondement de la captation de capital ce qui
vaut aussi pour le capitalisme d’état1,
sauf que le système devenu planétaire, plus personne n’y peut
échapper, et nulle part dans le monde il n’y a d’antre où se
mettre à l’abri…
Ainsi ces grands spéculateurs, ces
grands détrousseurs de salariés, sont discrets, ils parlent peu en
public, plus généralement ils se taisent ou, comme les théoriciens
monétaristes de l’Ecole de Chicago, Milton Friedman en tête, ils
assument froidement, dans le droit fil de la prédestination réformée
(et ce quelle que soit leur religion), que si les pauvres sont
pauvres c’est bien de leur faute, car ces pauvres hères refusent
d’accepter (ô scandale !) le sort qui leur a été tracé par
avance, et veulent (ô impudence !), consommer comme les riches,
c’est pourquoi ils réclament assistance et subventions, le Welfare
State, l’état-providence… Sauf que les choses ne sont pas
aussi simples que dans la tête particulièrement arrogante (et somme
toute creuse) de Milton Friedman et de ses émules… La plupart des
pauvres le sont parce que le système capitaliste requiert d’abord
le travail salarié le moins cher payé et, au-delà, la pauvreté
massive pour sécréter une richesse incommensurable… En effet,
l’argent accumulé par une minorité doit bien venir de quelque
part, elle ne tombe pas du ciel comme la manne sur les Hébreux. Si
profit il y a, il faut qu’il y ait plus-value, aussi pour un énorme
profit faut-il une plus-value démesurée, et donc une masse de
travailleurs fort mal rémunérés ou, à tout le moins, recevant,
une fois compté le coût des matières premières, une rémunération
très inférieure au prix de vente de l’objet fabriqué ou du
service rendu. Dès lors lorsque le coût du travail devient trop
élevé on augmente la productivité de chaque salarié et l’on
renvoie les travailleurs en surplus au chômage, c’est-à-dire à
la misère… C’est pourquoi le prétendu équilibre réalisé par
la loi de l’offre et de la demande de travail est toujours, de
fait, un contrat léonin pour les salariés. De plus, lorsque pour
des raisons de surchauffe productive et spéculative le capitalisme
entre en crise, il devient de plus en plus cruel, comme s’il était
régi par une sorte de motto qui s’énoncerait ainsi pour
parodier le titre d’un remarquable roman de Cormack McCarthy :
No country for poor men. Les salariés que le capital décrète
en « surnombre » deviennent du jour au lendemain
des hommes en trop, des hommes bons pour les poubelles de
l’histoire triomphante du capital. En effet, la réalité de la
plus-value se donne ainsi, comme le subsume l’économiste Laurent
Cordonnier : « […] le travail salarié, mis à part
une minorité de privilégiés (gestionnaires de hedge funds
et dirigeants des banques et des compagnies d’assurances, N.d.A)
qui partage les dividendes du capital sans jamais risquer un sou dans
les affaires, n’a jamais enrichi personne… C’est même plutôt
en faisant travailler les autres qu’on s’enrichit. »2
Assertion que l’on pourrait formuler de manière plus abrupte,
permettant de démonter la mythologie optimiste marxiste-léniniste
venue des Lumières qui regardait le travail productif comme une
valeur positive de l’agir humain à condition que l’organisation
politico-sociale l’arrache à la nécessité et au diktat de la
plus-value. Mais la réalité, y compris celle du communiste réel
disparu aujourd’hui, nous a montré que le travail productif (même
tempéré d’une modération de la productivité et d’une plus
importante redistribution sociale de la plus-value) n’a jamais été
un destin triomphant, mais une terrible et peut-être démoniaque
fatalité.
Mais ce qui me paraît insupportable
c’est le comportement de certains de ces milliardaires dévastateurs
qui, non content d’extorquer de la plus-value par tous les moyens
(c’est leur destin), se permettent, de surcroît, de donner des
leçons de démocratie, de civilité, voire de morale sociale. Dans
le genre prêcheur de simulacres, il faut rendre l’hommage qui lui
convient à Monsieur Soros. Ce tycoon de la spéculation dévastatrice
en a endossé parfaitement l’habit… Grand philanthrope de
l’« Open Society », grand défenseur d’une
démocratie moderne, lutteur infatigable pour la tolérance
multiculturelle, la société métissée et nomade, grand pourvoyeur
de fonds grâce à une fondation portant son nom et qui, pour
l’essentiel, a servi d’interface aux interventions étatiques
étasuniennes (en particulier de l’USAID, parfois de la CIA et
d’autres officines) dans les politiques d’enseignements, de
recherche et d’actions politiques dissimulées sous le nom d’ONG,
Monsieur Soros donc, comme nous l’apprend la dépêche précitée,
n’est, au bout du compte, que l’un des meilleurs prédateurs
capitalistes grâce à son gigantesque fonds spéculatif créé en
peu d’années. Car, encore faut-il le rappeler sans cesse, au moins
pour avertir les naïfs (les canailles le savent et le masquent !),
seule la pratique réelle révèle la vérité de l’intention.
Observée au jour le jour et comme les chiffres le prouvent, la seule
authentique intention qui meut Monsieur Soros c’est le banal et
trivial goût du lucre, l’insatiable appât du gain, la convoitise
illimitée, en bref, toute la complexion psychosociale et
socio-économique engendrée par le fondement prédateur et
dévastateur du capitalisme. En effet, dès lors qu’il est question
de fonds spéculatifs nous savons que le but de ces entreprises
financières n’est, et cela quel que soit le coût social de leurs
opérations boursières, rien d’autre que le retour sur
investissement le plus prompt et, par là même, le profit le plus le
plus important possible. C’est pourquoi Monsieur Soros peut donner
quelques miettes de ses énormes plus-values spéculatives pour la
fabrication de nouveaux politruks de la démocratie formelle
prétendument représentative, pour la rétribution de plumitifs, de
folliculaires, d’écrivaillons sachant vanter sans vergogne les
vertus du capitalisme néolibéral et les effets sociaux drastiques
des thérapies de choc, pour l’appointement des ONG qui sont autant
d’officines travaillant dans le simulacre de la responsabilité
démocratique. En bref, le grand philanthrope rémunère la société
du spectacle du faux-semblant postcommuniste ; ce qui par
ailleurs pourrait paraître hautement risible tant la comparaison
avec l’école des cadres du parti communiste me semble évidente,
mais qui, en définitive, n’est qu’insupportable parce que le
philanthrope en rajoute un peu trop en donnant des leçons de morale
sur les méfaits du capitalisme sauvage de l’ex-Europe communiste.
Trop c’est trop quand on constate de longue date que l’agir
dévastateur du capitalisme financier (qui ne produit rien et dérobe
toute richesse à portée de main) engendre une barbarie sociale
comme mode normal de fonctionnement du socius…3
Certes, il est vrai que la richesse sans limite est semblable au
pouvoir sans limite, elle « aveugle celui que Zeus veut
perdre »… Aussi soyons-en assurés, Monsieur Soros ne peut
plus saisir à quel point son discours « démocratique »,
son appel à l’« Open society » contre
l’autoritarisme néocommuniste ou l’émergence
fascisto-nationaliste postcommuniste, ressortit à quelque imposture,
car, quoi de plus autoritairement antidémocratique, quoi de plus
barbare que la défense des lois qui protègent, non la légitimité
de la simple propriété privée des espaces de la vie quotidienne
(appartement, automobile, meubles, etc.,), mais le pillage financier
à grande échelle de la richesse produite par la majorité des
hommes vivant sur notre planète ? Après tant de siècles de
lutte pour la dignité humaine, est-ce cela le bien vivre du bon
gouvernement ?
Toutefois, pourquoi lui-même et ses
semblables se gêneraient-ils ? Les peuples dorment, se laissent
occuper par de médiocres soucis, n’arrivent plus à voir le
possible de l’impossible au-delà d’un quotidien sinistre, se
font acheter « pour une poignée de dollars », se font
berner avec des loisirs imbéciles, avec le sport spectacle corrompu
et producteur de bénéfices énormes ou, last but not least,
avec les pitreries infâmes (pas même érotiques) d’un Michael
Jackson ou celles de Lady Gaga, dernière image d’une humanité
plastifiée offerte à la bassesse d’une jeunesse lobotomisée dès
le jardin d’enfant par le fétichisme de la marchandise. Voilà la
preuve, s’il en fallait encore une, que, face à des peuples
consentants, les pouvoirs économiques et politiques ont réussi à
les rendre totalement déliquescents. Mais, lorsque le nom propre
Gaga est identique au nom commun qui définit l’état de ces mêmes
peuples, le gâtisme avancé, alors il est aisé de constater combien
Dieu, définitivement retiré dans les espaces sidéraux de
l’infinité du néant cosmique, n’en finit pas de ricaner en
raillant sa créature !
Claude Karnoouh. Paris avril 2010
Versiunea româneascã a textului a apãrut în revista CULTURA
Nota: G. M. TAMÁS despre Claude Karnoouh, în revista Cultura
L’ami du peuple
«Claude Karnoouh, antropolog, filosof si eseist francez, este întruchiparea tuturor atitudinilor neconventionale, politically incorrect, care se pot imagina. Un om de stânga, îi admira pe Heidegger, Céline, Jünger, Carl Schmitt, un inamic al tuturor dictaturilor, este de acord cu testamentul politica al Simonei Weil care ar interzice partidele politice si ar supune presa unei cenzuri de adevar, în acelasi timp un sustinator al libertatii nelimitate de opinii, un evreu, dusman înversunat al Statului Israel si al sionismului politic, un fost comunist, prieten al tuturor disidentelor anticomuniste, un om care dispretuieste toate nationalismele, dar învata de la Noica.
Claude Karnoouh a fost acuzat de unul din adversarii sai, fostul sau amic, Andrei Plesu, de a fi devenit un român. E o acuzatie formulata cu multa Gemütlichkeit si ironie, si îndreptatita într-un fel poate diferit de intentiile politice ale d-lui Plesu. Claude Karnoouh – în anii numerosi petrecuti în Europa rasariteana – si-a însusit banuiala inerenta a acestei parti a lumii dupa care totul e de vânzare si care sustine ca luarile de pozitie în viata publica, mai ales ale intelectualilor, sunt motivate de vanitati si venalitati, de orgolii si de erotisme ale puterii. Pentru Claude Karnoouh, toate succesele culturale sunt suspecte, trucate, publicitare, aservite intereselor capitalului si elitelor statale. Îi sunt suspecte mai ales succesele radicalismului antisistemic pe care le priveste ca aspecte ale cooptarii energiilor rebele care mai ramân, vestigiale, în cultura occidentala.
[...] dar putini au priceput ca românismul lui Claude are o latura insolita. Neobisnuita mai ales în Europa de Est de astazi. Claude Karnoouh este credincios. Fidelitatea lui apartine taranilor din Maramures. I-a cunoscut ca antropolog fãcând cercetari de teren ani de zile, si a devenit un poporanist postmodern care rãmâne un tânar parisian si un mosneag ardelean honoris causa. Indiferenta intelectualitatii si clasei politice românesti si est-europene fata de mizeria satului, a zonelor miniere abandonate, a cartierelor de blocuri lasate în voia lui Dumnezeu îl revolta – si în punctul acesta decisiv cred cã are perfectã dreptate. Ura lui purtatã împotriva elitelor liberale se adreseaza mai ales indiferenței acestora. În acest sens, Claude este un intelectual angajat de tip vechi. N-are numai dispreț pentru stilizarea decadenței și eșecului într-o aventura închipuitã, ba chiar mincinoasã, de libertate.»
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