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Polemici: Paul Goma. L'art de la désinformation : Holocaust versus Goulag?
Scris la Wednesday, August 24 @ 18:40:14 CEST de catre asymetria |
L'art de la désinformation : Holocaust versus Goulag? Paul Goma en dialogue avec Dan Culcer.
Polémique autour d'une manipulation de contexte
Leur a-t-on demandé s'ils étaient anti-goy ?
L'intervention du romancier Paul Goma
Paul Goma. Version francaise en format pdf
Je n'ai pas lu les textes récentes publiés en Occident par Edgar
Reichmann, exception faite d'une des ses «contribution». Comme je
connais depuis 30 ans celui qui l'a pondue, je ne crois guère ce qui y
est écrit. Il n'y a pas longtemps, toujours dans Le Monde, l'illustre
journaliste faisait de Maria Banus (chantre de Stalin, de Dej, de
Ceausescu, de l'Armée Rouge, de la collectivisation, etc.) une
pauvre victime des persécutions communistes en Roumanie, et virulente
opposante par dessus le marché ! A ce propos, n'oublions pas une autre
anticommuniste farouche, camarade de l'euro-bolchéviste Lilly Marcou :
Nina Cassian, qui se plaint aux Américains de la persécution sauvage
qu'elle avait subie sous Ceausescu en tant que juive et communiste. Donc
je ne crois pas que ceux que E. Reichmann accuse à présent - en
prenant à son compte l'information de quelqu'un d'autre, selon son
exécrable habitude - se soient rendus «coupables d'antisémitisme».
Antisémite, Gabriel Liiceanu ? L'éditeur bucarestois avec l'argent
français a d'autres grands péchés capitaux, entre autre celui d'avoir
traité sa personne sans humilité aucune dans le texte «Sébastien, mon
frère» (où il garde d'ailleurs la tonalité de son texte autobiographique
et narcissique «Appel aux ordures») ; mais aussi d'avoir pris au
sérieux Ed. Reichmann...;
Nicolae Manolescu, antisémite ? Le brillant critique littéraire et
analphabète moral ? Soyons sérieux : paralysé par le communisme, lui
aussi est trop peureux pour se manifester comme "antisémite", d'ailleurs
il n'a pas d'opinions, juste des impressions (littéraires...).
Quant à Dorin Tudoran, poète et essayiste : son accrochage dans la
presse avec Tismaneanu et avec Shafir ne fait pas de lui un
antisémite...
Ce Ed. Reichmann a publié en 1976, dans Le Monde, une sorte de
chronique des «publications roumaines en français» où il expliquait aux
lecteurs que mon roman Gherla, édité chez Gallimard, n'était qu'un
résumé de mon livre précédent, Ostinato (en français La Cellule des
libérables), mais en plus modeste. Ce jugement occupant un paragraphe,
le reste de la étant dédié à un illustrissime inconnu écrivain roumain,
Mirel Bergmann... Cela ne m'a fait ni chaud ni froid, je savais par
Monica Lovinescu, par Virgil Ierunca, par Sanda Stolojan que Ed.
Reichmann (à ne pas confondre avec Sebastian Reichmann, son cousin,
poète remarquable et homme de qualité) était «le plus-roumain-des-juifs»
: il ne lit pas les livres recensés, il téléphone à un tiers pour avoir
un résumé, résumé qu'il comprend de travers - après quoi il
écrit ce qu'il n'a pas oublié. Cela ne change pas trop de registre : il
était l'«agent» (pas seulement littéraire) de Eugen Barbu, "écrivain de
parti et de Securitate", avant 1989 - après, avec la bénédiction de
Iliescu et avec l'appui de Petre Roman, devenu directeur du România
Mare, publication diversioniste, ultranationaliste, farouche
antioccidentale, feroce antisemite...
Mais je suspecte Ed. Reichmann d'autres agissements encore : je lui ai
même posé des questions là-dessus, et il a démenti avec une telle
véhémence, que j'ai compris que j'avais visé juste.
Vraisemblablement nous, les étudiants arrêtés en 1956 (sous
l'accusation de solidarité avec la révolution magyare), avions été...
favorisés (sic) par rapport à ceux qui avaient été laissés en liberté
(surveillée). Ces derniers ont dû subir, pendant deux
années entières (1957 et 1958), les pires traitements de la part de
ceux qu'on surnommait l'«Equipe de la mort», la meute du Comité central
de l'Union des Jeunesses communistes. Cette équipe chassait «les ennemis
du peuple» qu'elle livrait au jugement public - pas sur leurs actes,
mais pour leurs états (par exemple, «origine sociale malsaine») -
finissant par obtenir leur exclusion de la fac. Virgil Trofin, Petre
Gheorghe, Cornel Burtica et l'eternel camarade bolchévique Ion Iliescu
étaient les «grands manitous» dans ces cérémonies et parmi les
étudiants faisant fonction d'auxiliaires de la Securitate il y aurait eu
aussi le petit camarade Ed. Reichmann. D'ailleurs, après 1990, on a
bien remarqué ses bonnes «vieilles relations» avec Iliescu... (Si bien
que le «journaliste» n'a pas écrit mot dans Le Monde sur la politique
d'instigation à l'affrontement interethnique initiée et
pratiquée par Ion Iliescu et Petre Roman - voir les événements de
Targu-Mures en mars 1990, ni la culpabilité d'Iliescu dans le
"minériades" - voir aussi l'aval donné à Eugen Barbu pour sortir la
feuille antisémite (et antiroumaine) Romania Mare.
En 1987, paraît chez Albin Michel mon livre Le Calidor racontant mon
enfance en Bessarabie. Ed. Reichmann publie dans un périodique
roumain de Paris une "chronique". Cette fois pas seulement sans queue ni
tête, mais carrément accusatrice : Goma Paul est antisémite, parce
qu'il avait écrit que son père, Goma Eufimie, instituteur en Bessarabie
occupée par le Ruses avait été arrêté - en plus par un juif - le 13
janvier 1941 - et déporté en Sibérie. Je n'y ai pas réagi. C'est lui qui
m'a téléphoné. Il a bredouillé quelque chose suggérant qu'il avait lu
mon livre hâtivement ; qu'il avait donc malencontreusement employé le
mot qui tue («antisémitisme»)... Mais, tout en me parlant, il se met à
me disputer : Pourquoi n'avais-je raconté aussi le martyre des juifs de
Bessarabie ? Ma réponse fut que je n'éprouvais aucun besoin de
«compensation» à cet égard. D'autant que ni dans ses propres livres ni
dans ceux de ses amis je n'ai rencontré le moindre passage qui rappelle
le martyre des roumains de Bessarabie et des Bucovine du Nord, eux aussi
victimes innocentes des bolchévique occupant. Sur quoi E. Reichmann
grommela quelque chose d'inintelligible, et il m'annonça après qu'il
allait publier une « vraie » chronique dans Le Monde.
Elle a paru, la vraie-chronique. Où il n'était plus accusé
d'antisémitisme l'auteur, mais ses personnages (la «population locale»).
Peu après cette discussion, dans la publication en roumain Revista Mea
de Tel-Aviv paraissait une compo, «Le Caméléon», signée par Iosif
Petran. J'y apprenais que jusqu'ici j'avais été un brave gars, mais que
depuis avant-hier j'étais devenu subitement un antisémite redoutable.
Cela veut dire que E. Reichmann n'était pas le seul juif qui trahissait
sa nature (ne dit-on pas que le juif est l'Homme du
Livre ?). Petran non plus n'avait pas lu le texte qu'il avait eu sous
les yeux, mais il accusait Goma d'antisémitisme. J'ai amplement raconté
cet épisode dans le volume Lettres entre-ouvertes (Familia, 1995, p.
430), je résume : I. Petran n'avait pas lu le livre de Goma Le Calidor,
mais il avait lu la "chronique" de Ed. Reichmann dans Le Monde ; il
avait extrait une citation de Reichmann, l'avait mise entre guillemets
et l'avait attribuée à Goma. Pas bête, non ?
Je lui ai envoyé une lettre, en lui demandant de la publier. Il ne l'a
pas fait. Par contre (sic) un autre vaillant chasseur d'antisémites,
Jacob Popper, m'accuse lui aussi, vers 1990 - toujours
d'antisémitisme - dans la revue Contemporanul.
Après toutes ces expériences directes de mauvaise foi j'ai pris la
liberté de ne plus tenir compte des écrits de ces énergumènes qui
déshonorent le mot.
Parmi les juifs raisonnables avec lesquels tu deviens ami il existe pas
mal qui, d'un coup, déraillent : il suffit que tu exprimes une réserve
concernant tel livre qu'il a écrit, telle attitude déplacée qu'il a
eue... pour que le doux, intelligent, délicat se métamorphose en
accusateur hystérique et se mette à jeter des cris :
«Espèce d'antisémite, tu prétends que j'ai fait cette vacherie, moi ? Tu n'es qu'un antisémite !»
Ceux-ci ne sont pas des idiots, comme ils veulent te laisser croire
le lendemain. Si tu ne te laisses pas intimider, culpabiliser,
antisémitiser, ils finiront par accepter qu'"ils ont exagéré, mais
alors, pas beaucoup".
Il est vrai que le juif a vécu pendant deux mille ans dans des milieux
hostiles à lui-même en tant qu'individu et à sa communauté, d'où
l'effroi permanent qu'on ne l'agresse et l'effort permanent de prévenir
les éventuelles violences. Mais le non-juif aussi sort de ses gonds trop
facilement et se laisse blesser par les soupçons, les accusations,
toutes graves, du juif : qu'il n'est pas sincère, qu'il lui veut du mal,
qu'il le méprise, qu'il le hait - qu'il veut même le tuer... Au fond,
qu'est-ce d'autre le cri du juif qu'une tentative de chasser le danger,
qu'une expression de sa peur de ne pas se faire oublier-nier (lire :
anéantir) ?
L'idéal serait que, au cours d'une discussion "sensible", le non-juif
ait plus de patience plus de tact et surtout qu'il maîtrise
l'information (l'histoire) mieux que le juif. Sinon, il sera
pris au dépourvu - comme Liiceanu, Manolescu, Blandiana,
Adamesteanu - et autre "reveillés après la Révolution de Décembre 89" -
face à une riposte d'ailleurs normale. Il panique, il fait
d'autres erreurs, après il se plaint à droite et à gauche qu'il avait
voulu dire tout à fait autre chose...
Liiceanu, Manolescu, Blandiana, Adamesteanu et autre
profiteurs-de-guerre avaient montré d'une manière brillante à l'occasion
de la parution en roumain du Livre noir du communisme que, suivant la
bonne tradition de l'homme de lettres roumain, ils
ignoraient complètement l'histoire élémentaire. Pourquoi ? Quelle
question... Par peur, bien sûr. Comme tous les innocents (mais pas les
non-coupables) ils s'étaient hasardés sur un terrain inconnu sans
boussole, sans savoir où mettre les pieds et prêts à prendre une
taupinière pour des montagnes.
Liiceanu s'imagine que le fait d'être débrouillard, posseseur d'un
doctorat ès négoce, te donne droit de monter sur tes grands chevaux -
toi qui ne t'es pas soumis à la norme moyenne du courage avant 1989. Et
de t'adresser de là-haut aux ordures (toi ?) en leur expliquant où en
est-on de la morale (quelle morale, celle de philosophe Noica ?,
peut-être celle de Plesu, ministre de Iliescu ?... C'est vrai que les
récepteurs ne sont pas mieux placés que l'émetteur. Eux aussi ont
survécu en léchant des bottes, si bien qu'il n'y eût personne (hormis
moi-même, qui compte pour des prunes) à mettre Gabriel Liiceanu face à
son «Appel» comme devant un miroir. Encouragé par l'analphabétisme des
masses de lecteurs-auditeurs qui avalent tous les bobards, "le plus
jeune philosophe roumain" (Liiceanu) franchit le seuil de la synagogue
en déclamant : «Sébastian, mon frère !» Là il confond les premiers
applaudissements avec l'assentiment donné à l'insolence de se proposer
comme frère du juif - sans doute abusivement et par intérêt. Et lorsque
certains juifs ont l'inimaginable audace de douter de sa sincère
"fraternité", ils lui font peur. Par manque d'habitude de combattre en
arène pour une idée (pratiquant plutôt les coulisses pour garder la
prospérité du clan) il fournit cette réplique ridicule à l'accusation de
E. Reichmann : ce dernier n'aurait pas raison, vu qu'on lui avait
refusé autrefois un roman à Humanitas... Eh bien, bravos, enfants de la
patrie...
Pareil, mais à l'identique - (selon le modèle «Bien fait pour moi, si
je discute avec une tuberculeuse») - procède Nicolae Manolescu. Sans
aucune idée sur le sujet, incapable quitter la basse-cour de la
littérature pré-approuvée, il accusa Norman Manea d'être un "écrivain
que la critique rend nerveux". Cette irritation serait due à son opinion
à lui (Manolescu) sur la littérature de Manea. Il fut singé avec
promptitude par la machine-à-écrire-des-conneries Alex. Stefanescu :
d'après ce laquais de n'importe qui, "les jugements critiques" de Norman
Manea ne sont pas justifiés, car formulés par "un écrivain sans talent
(...) accusant d'outre-Atlantique".
Or, il ne faut pas chercher là les défauts de Manea. J'en ai déjà parlé
dans mes dialogues avec Laszlo Alexandru, parus dans son volume
Orient-Express (Dacia, 1999). Voyons. Norman Manea, victime directe
d'une tentative d'extermination, la sienne, ainsi que de celle de
sa communauté, est parfaitement légitimé à dénoncer, à accuser les
auteurs plus haut mentionnés, car ce sont des membres de la communauté
qui les a persécutés. Se taire le rendrait
coupable.
Seulement, Norman Manea n'est pas qu'un juif. Il est aussi un
écrivain roumain. Et l'écrivain roumain Norman Manea, une fois arrivé en
Occident, à la liberté de la parole, est resté muet comme une carpe,
sans dire un traître mot sur les crimes du pouvoir communiste en
Roumanie. Pays d'où il sortait, pourtant, et où ses amis, ses collègues,
ses conationaux, ceux du même sang que lui - tous innocents -
continuaient d'en être les victimes. En gardant le silence, il a eu un
comportement de non-écrivain. Quand, enfin, il a ouvert la bouche,
qu'est-ce qu'il dénonça, l'écrivain roumain Norman Manea - en premier
lieu ? L'antisémitisme - du moment - il y a un demi-siècle, de
l'écrivain Mircea Eliade qui était, lui-même, déjà mort et enterré
depuis cinq ans.
Mais qui lui donner la réplique, en connaissance de cause ? Manolescu,
élevé à l'école de Ivascu, ce mouchard-de-prison ?; qui fréquentait
le l'apparatchik diversioniste Gogu Radulescu (d'aiellurs "l'oncle" de
Blandiana et Buzura)? Peut-être Liiceanu, qui dissertait à n'en pas
finir avec Noica à Paltinis du vrai sexe des anges tandis que le pays
entier mourait d'une vraie mort ? Le plus commode (pour un directeur de
conscience roumain), c'est de jeter au quidam : «Espèce de tuberculeux
!», plutôt que de démasquer le comportement lâche, partial, (donc,
mensonger) du même Norman Manea.
Manolescu et Tudoran (Stefanescu ne compte pas, de toute façon), ont
commis une grave erreur en s'engageant dans des discussions qui
dépassent leurs préoccupations "strictement culturelles" - comme la
question juive. Ils ont aussi commis un quiproquo monumental en se
prenant pour de vaillants analystes politiques capables de commenter
l'oeuvre de la nullité nuisible qui est Garaudy, cet affreux
ex-bolchevik philosémite, métamorphosé en islamiste antisémite
enragé.
Vu de la province culturelle roumaine (celle qui résiste ! -
culturellement...), il suffit de t'exprimer en français pour (tout
Français semble) être un "grand penseur " (n'oublions pas le scoop
toujours valable après deux siècles : "vous savez, à Paris, même les
cochers parlent français"). Tu as beau être directeur en Roumanie (même
littéraire), si tu ne piges rien en politique au quotidien. Il s'agit
ici du mouvement des idées, pas du slalom entre côteries, cliques,
bandes dirigées par des truands, des délateurs notoires (Quintus), des
bolcheviks (Burtica, Gogu Radulescu), des membres du KGB comme Iliescu
(ou Poutine !) ou de la Securitate (les anciens, comme Pelin, Catarama,
ou les nouveaux, Voican-Sturdza).
Je n'ai pas lu les textes incriminés par E. Reichmann (de Tudoran,
Manolescu, Liiceanu). Mais sans demander sa permission, je peux
affirmer qu'il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais la moindre trace
d'antisémitisme ni dans leur pensées ni dans leur écrits. Il y a plutôt
des gaffes culturelles (comme "l'exégèse" de Garaudy), des affirmations
qui "se prêteraient à être interprétées" comme antisémites, ce qui par
ailleurs fut vite fait. Pour des raisons, j'en suis sûr, qui n'ont rien à
voir avec les juifs, le judaisme, l'antisémitisme. J'affirme cela parce
que je connais bien les incriminés, je connais leurs écrits. Et je
prend le risque de mettre ma main au feu pour ces ex-amis.
Tenons-nous-en toujours dans l'aire roumaine : il existe, entre juifs
et non-juifs, un litige, un problème. Qui n'a jamais été résolu, à
défaut d'être formulé.
On pourrait présumer un début d'éclaircissement du problème (mais pas
sa solution) si un débat honnête était engagé qui, en plus de la probité
historique, serait régi par la bonne foi. Un débat où chacun, même s'il
n'y est pas habitué, doit se tenir à peu près à cela :
- écouter, faire l'effort d'enregistrer et de comprendre ce que dit l'autre;
- respecter l'opinion de l'autre même s'il n'est pas d'accord avec les
idées qu'il soutient ; respecter son opinion, ne pas l'interrompre, ne
pas brouiller son discours avec des mimiques et des paroles qui le
vexent et le déstabilisent;
- prétendre à son tour le même traitement de la part des autres;
- se servir de preuves pour appuyer une accusation. Pour nous, hommes
de lettres, les preuves sont les citations - en aucun cas les résumés
abusifs.
Mes remarques peuvent avoir l'air d'un cours pour le primaire. Et il
faut le prendre comme tel. Parce que le Roumain - même juif -
(de)façonné par le communisme, a perdu l'habitude de soutenir en public
son propre point de vue, séparé de celui du parti. En échange, après
1990 il apprend on ne sait pas où que dialoguer signifie engueuler ton
interlocuteur, l'accuser en sortant tout ce qui te passe par la tête,
sans aucun argument, aucune preuve. Bref, agresser ton ami juste pour le
vaincre et non pour le convaincre.
Quel serait le but du débat - télévisé, peut-être - pour lequel je
viens de plaider ? Eh bien, ce serait celui de (re) définir les
relations entre les roumains et les juifs en Roumanie.
Dans le Programme que j'ai présenté en 1995 à l'élection présidentielle j'affirmais à peu près ceci :
Si les Roumains veulent devenir un peuple, il ne devront pas rester une
populace à la mentalité éternellement rurale ; si les roumains veulent
faire reconnaître leurs qualités, leurs réussites, ils devront commencer
par reconnaître leurs travers et leurs fautes;
Si les Roumains veulent devenir crédibles dans leurs argumentations ils
devront reconnaître la culpabilité de l'Etat roumain dans la
persécution (allant jusqu'à l'extermination d'un certain nombre de gens)
de certains ethnies (Juifs, Tsiganes, Allemands) ainsi que de certaines
catégories de Roumains : les réfugiés des provinces cédées aux Russes :
les Bessarabiens et les Bucovinains.
Je connais et j'accepte en tant que Roumain la vérité. Je connais aussi
l'une des méthodes défensives-offensives de quelques juifs
négationnistes concernant les massacres de Bessarabie et de Bucovine :
l'inversion chronologique. Leur Evangile est le Livre noir, conçu en
1945 par un comité des juifs d'URSS dirigé par Ilya Ehrenburg et Vassili
Grossmann (le futur dissident). Cette manoeuvre indigne a d'ailleurs
été utilisée par les Roumains aussi, pour justifier
un conflit provoqué bel et bien surtout de leur faute.
Il y a une chronologie objective - que personne ne pourra nier s'il
connaît l'histoire contemporaine élémentaire, ce qui n'est pas le cas
pour nous autres Roumains. Cette chronologie est la suivante :
- Fin 1937-début 1938, le gouvernement Cuza-Goga légifère en Roumanie
la discrimination des juifs. Déclenchement de la Deuxième Guerre
mondiale (1er septembre 1939). Des bruits-informations couraient sur une
entente Hitler-Staline (23 août 1939) qui allait priver à nouveau notre
pays de la Bessarabie (les juifs en général, pas que les communistes
juifs, penchaient vers une « rétrocession juste à l'Union soviétique »).
Jusqu'au 28 juin 1940 (cession de la Bessarabie, de la
Bucovine du Nord et du territoire de Hertza) les juifs des territoires
roumains ont été victimes d'humiliations, de discriminations, de
persécutions, de spoliations - parfois de violences - mais on n'a pas
attenté systématiquement à leur vie.
- 28 juin 1940. Commence le retrait de l'administration et de l'armée
roumaine des territoires cédés à l'URSS. Dès le soir du 27 juin, des
agents soviétiques, parachutés ou "déterrés", - majoritairement des
juifs - ont attaqué les convois de réfugiés civils et militaires
roumains qu'ils ont lapidés, éclaboussé de fécales, fait sortir des
colonnes, puis ils ont arrêtés comme "prisonniers de guerre"
(mentionnons qu'aucun état de belligérence entre la Roumanie et l'URSS
n'avait été déclaré). Ils ont fusillé de manière démonstrative dans la
rue des fonctionnaires de l'administration, des policiers et surtout des
théologues et des prêtres.
La Semaine de la Passion (28 juin-4 juillet 1940), comme l'ont appelée
les militaires et les civiles réfugiés, n'a été que la partie visible de
l'iceberg. Le 28 juin même, dans les zones situées le plus à l'est
commença l'Année Noire (ou la Moisson Rouge). C'était la Première
Occupation soviétique des territoires roumains cédés.
Quelle a été l'attitude des juifs face à ces vérités historiques ?
1. Ils nient purement et simplement les exactions, les actes de
bar-barie commis surtout par des juifs durant la Semaine de la Passion.
Et, je le rappelle, contre des gens qui se retiraient, se réfugiaient et
qui avaient reçu l'ordre de ne se défendre pas. A voir, dans ce sens,
l'intervention de Z. Ornea qui, dans Romania literara, prétend qu'il
n'existe pas des documents crédibles. Crédibles pour qui
? Pour lui, Z. Ornea, manipulateur (de documents) branché Buzura et
Plesu - et Iliescu ?;
2. Ils relativisent la contribution des juifs à la persécution,
déportation, assassinats des Roumains bessarabiens et bucovinains, du 28
juin 1940 au 22 juin 1941 (quand la guerre a éclaté), prétextant que
l'occupant était le pouvoir soviétique et non pas les juifs; qu'il
n'était pas sioniste, mais communiste. Cela est vrai. Mais ce n'est pas
moins vrai qu'une grande partie, une immense partie de l'appareil
soviétique (administratif, politique, policier) agissant sur les
territoires roumains occupés étaient des juifs. Ils avaient du coeur à
l'ouvrage dans l'exercice de leur rôle de fonctionnaires soviétiques et
surtout ils étaient animés d'une haine sans limites contre les gens de
nationalité roumaine. Cette haine se traduisit par des actes de pure
bestialité envers les téologues, les moines, les prêtres. Une giffle
reçue, il y a des années, par un élève impertinent où paresseux
devenait, après le 28 juin 1940, un "acte caractérisé de persécution
antisémite", et le malheureux "pogromiste" s'il n'était pas fusillé sur
place où au NKVD du secteur, était envoyé en Sibérie pour "activité
antisoviétique".
3. Ils expliquent "certaines erreurs" par... la supériorité du système
communiste, soviétique, sur le système obscurantiste roumain, gardé par
les bourgeois et les grands propriétaires terriens. C'est ce que font,
d'ailleurs, les auteurs du Livre noir (1945).
Continuons la chronologie.
L'été 1940 est devenu plus tragique encore par la perte du Nord de la
Transylvanie, et du Sud de la Dobrudja. Après, par l'instauration de
l'"Etat national légionnaire" des Gardes de Fer. Et, en novembre, par le
"massacre de Jilava", l'assassinat de Madgearu, de Iorga...
La néfaste année 1940 prend fin. Commence la tragique année 1941, par
le premier événement noir : la Rébellion des Gardes de Fer (21-23
janvier). C'est là-dessus que les juifs avancent des chiffres importants
"des centaines, sinon des milliers de juifs assassinés par les Gardes
de Fer" - et on produit comme argument l'Episode de l'Abattoir.
Quelle est la vérité là-dessus ? Pourquoi ne pas discuter documents à
l'appui pour savoir, enfin, ce qui s'était passé là-bas et qui avaient
été les protagonistes ? J'ai lu des "témoignages" qui nient totalement
le massacre et la profanation des cadavres (accrochés à des crochets).
Cela m'a semblé symétrique face aux affirmations estimant le nombre des
victimes à "des centaines sinon des milliers". C'est-à-dire pas réelles.
Et moi, devrai-je faire la moyenne entre les chiffres de la droite et
de la gauche ? Mais ce serait pas seulement une fausse démarche, mais
une profanation, parce qu'il s'agit de l'assassinat de gens innocents.
Combien ? Le crime commence par le chiffre 1.
Dans la presse roumaine de la période 27 juin 1940-22 juin 1941 il y
avait des nouvelles, des témoignages sur les crimes des bolcheviks
perpetrés dans les territoires roumains occupés. Certainement pas toutes
les informations et pas dans leur intégralité. Il y avait des
informations... sur des informations, édulcorées, souvent même castrées,
le souci des gouvernants étant que la détresse nationale ne se
transforme pas en émeute, révolte, révolution, pogrome, qu'il n'y en
ait plus d'autres détails concernant le rôle des juifs dans le martyr
des Bessarabiens et des Bucovinains. Parce que la population roumaine
était déjà montée contre eux. Aux militaires qui s'étaient trouvés dans
les convois de la retraite durant la Semaine de la Passion on avait
ordonné de ne pas raconter leurs déboires pour ne pas provoquer des
actes de vengeance.
Les actes de vengeance contre les juifs ont été bridés, tenus sous
contrôle pendant toute une année, entre le 27 juin 1940 et le 22 juin
1941. Durant cette période-là, les juifs, ceux qui étaient encore restés
en Roumanie, avaient subi des persécutions, mais on n'avait pas attenté
à leur intégrité corporelle, en tant que juifs (reste à élucider
l'épisode de l'Abattoir).
Les attentats à la vie des juifs ont commencé après le déclenchement de la guerre, le 22 juin 1941.
Sont réunies alors deux sources d'information : l'une directe, du
front, de Bessarabie, Bucovine du Nord et Hertza, après le refoulement
des troupes soviétiques, surtout après la découverte des charniers où
avaient été jetés les cadavres des fonctionnaires, des enseignants, des
prêtres, des lycéens, des employés des Chemins de fer - tous des
Roumains - portant les traces des tortures, des mutilations qu'on leur
avait infligées avant l'exécution (beaucoup de victimes n'ont pas été
identifiées, car elles n'avaient plus de tête). La deuxième source était
celle de 1940, durant le retrait, complétée par des informations
recueillies durant l'occupation (donc avant le 22 juin 1941) et qui
n'avaient pas encore été divulguées au public auparavant. S'y
rajoute le fait (vrai ou faux) que, après le déclenchement de la
guerre, des juifs, la plupart de Iassy, ont déclaré leur hostilité à
l'Armée roumaine en même temps qu'ils auraient montré leur sympathie
envers l'Armée rouge, en indiquant aux aviateurs soviétiques par radio
des objectifs à bombarder sur le territoire roumain.
A partir de ce moment-là on peut parler d'une atmosphère antisémite
quasi générale en Roumanie, qui s'est soldée avec l'assassinat de juifs à
Iassy (et le "Train de la Mort"), ainsi que par l'acquiescement aux
dispositions du gouvernement concernant l'extermination des juifs
capturés sur le sol de la Bessarabie et de la Bucovine, puis à la
déportation en Transnistrie des juifs du reste du
territoire roumain, dont nombreux ont été liquidés - ce mot nous fait
peur, mais le souci de vérité nous obligé de l'employer - quoique
innocents.
Retour à la chronologie que les Roumains ignorent, ce qui fait que les juifs la manipulent :
Les auteurs du Livre noir de 1945 (coordinateurs : Ehrenburg et
Grossmann), en inversant la chronologie des événements, soutiennent que
la "sévérité" des autorités soviétiques envers les "représentants" des
grands propriétaires terriens et des bourgeois royalistes roumains
(durant la première occupation : juin 1940-juin 1941) était
la conséquence du... massacre des juifs d'Ukraine !
Il ne s'agit pas ici d'un "oubli" (le juif n'ignore pas la valeur du
temps, comme le Roumain !). Il ne s'agit pas non plus d'intervertir la
cause et son effet (et vice versa, comme dirait le classique), parce que
dans les relations entre roumains et juifs il y a encore beaucoup à
discuter. Il s'agit là d'une simple (et vulgaire) inversion
chronologique des événements dans leur succession telle qu'elle est
présentée dans le Livre noir (1945).
Voilà pourquoi, pour le débat que je propose, il faudra se munir de
matériel auxiliaire, plus précisément d'une carte - pour voir ou,
géographiquement se sont passées les événements dont on parle - et d'un
tableau avec les dates pour voir quand se sont passés les événements.
Quand nous serons capables de faire notre mea culpa, nous saurons dire
que nous sommes devenus des bipèdes (sans plumes). Pas avant.
J'ai entendu, j'ai lu des stupidités du genre : «Je ne peux pas
demander pardon aux juifs pour ce qui leur est arrivé parce que à
l'époque je n'étais pas encore né, donc je ne suis pas coupable». Je
cite là la pensée infirme d'un type qui passe pour un "directeur de
consciences", rédacteur en chef de Romania literara.
Traine-savates à la télévision, militant de dernière
heure dans le parti national paysan chrétien-démocrate et fan de
Constantinescu. Il s'agit d'Alex. Stefanescu, c'est lui qui a
publié dans Romania libera ce que je viens de citer plus haut.
D'ailleurs, je lui ai répondu dans Cotidianul (1998).
Il sera aussi nécessaire que les juifs reconnaissent eux aussi leur
part de responsabilité dans le comportement bestial envers les Roumains
aussi bien pendant la première occupation soviétique de la Bessarabie,
de la Bucovine et de la Hertza ( 27 juin 1940-22juin 1941), que pendant
l'occupation totale de la Roumanie, après août1944.
S'ils refusent de reconnaître que eux aussi ont été capables de faits
réprobables, ils vont consolider les positions de ces Roumains qui, de
manière symétrique, nient la déportation même des juifs en Transnistrie.
Or les juifs ont besoin d'un dialogue - avec les Roumains, comme avec
les Palestiniens. Un dialogue d'où aucune des parties ne sorte "vaincue,
humiliée, niée".
Si je suis... antisémite...
Je refuse de répondre à une telle question. Je ne me définis pas par
rapport aux autres, mais par rapport à des faits. Je considère que la
sommation («Prouvez-nous que vous n'êtes pas
antisémite !») montre, au delà d'une énorme insolence, une
affligeante défaillance de la raison.
Est-ce qu'on a jamais demandé à celui qui pose cette question s'il est... anti-goy ?
Je me méfie aussi des juifs qui affirment que nous, les Roumains, ne
sommes pas antisémites. C'est une réponse qui n'a pas été demandée.
J'ai eu dès le début de l'antipathie pour le pseudonyme "Nicolae
Niculescu", signature de l'essai Le Secret de la lettre perdue, dans la
revue Ethos n°2/1975, essai que par hasard j'ai moi-même dactylographié
en 1973, lors de mon premier voyage à Paris. A l'époque je ne savais pas
qui se cachait derrière ce nom, je l'ai appris après la mort de...
Steinhardt. J'ai été navré, Le Journal du bonheur (pour le sortir de
Roumanie en 1975 j'avais donné un coup de main) semblait écrit par un
autre auteur. Donc je n'ai absolument pas aimé l'essai : un tel texte
protochronisto-philo-roumain aurait très bien pu être publié dans la
Roumanie de Ceausescu. Car voici les thèses niculesciennes :
- le peuple roumain est gentil, doux, humain, peut-être le plus humain au monde...;
- Caragiale, celui de La Lettre perdue, n'est pas, mais pas du tout un
auteur méchant avec ses personnages. Au contraire, il est gentil (vu
qu'il fait partie du peuple roumain);
- le peuple roumain n'est pas, mais pas du tout antisémite...
Cette dernière affirmation ne laisse pas de penser que, s'il ne l'est
pas, il peut le devenir à force d'écouter de tels bobards...
J'ai retrouvé la même affirmation - «les Roumains ne sont pas
antisémites» - dans le texte de Virgil Duda, Le Pays volé, écrit en
Israël, arrivé à Paris en 1989.
Si un Roumain avait dit-écrit une telle assertion j'aurais été sûr de
deux choses : 1. il est antisémite. 2. Un crétin l'a accusé de l'être et
il ne sait plus quoi faire pour se débarrasser de cet étiquette. Mais
pourquoi un juif le fait-il ?
J'ai employé le terme "méfier" et ce n'est pas par hasard. Car Leon
Volovici - l'un des historiens qui travaillait à une époque à Iassy,
maintenant en Israël, a soutenu la même assertion en parlant du maréchal
Ion Antonescu. Mais dans quelle compagnie le fait-il ? Eh bien, celle
de I.C. Dragan, simultanement garde-de-fer, ami (et) agent de
Ceau(section)escu, proprietaire de revues
antioccidentales, antimagyares, atisemites, et, après 1989 camarade de
Ion Iliescu...
Bref, un Ed. Reichmann, camarade de luttes de classe de même Iliescu,
prétend que tous les Roumains sont antisémites tandis que L. Volovici,
de l'entourage de Dragan, soutient que Antonescu, l'auteur des décrets
par lesquels les juifs étaient envoyés mourir en Transnistrie n'était
pas, lui, si antisémite que ça !
S'il y a quelque chose d'incompréhensible dans cette... contradiction,
alors en voici une hypothèse : Ed. Reichmann, Radu Ioanid, Norman Manea -
et bien d'autres, domiciliés en Occident, mais hors-Israël, peuvent
écrire vérités et contrevérités afin de défendre les juifs. Duda,
Volovici (ainsi que d'autre historiens officiels) représentent les
intérêts des Israéliens (qui ne coincident pas entièrement avec ceux des
juifs...).
Puisqu'on parle d'antisémites, antisémitisme... J'ai entendu beaucoup
de juifs adresser de graves accusations à leurs coreligionnaires qui
fabriqueraient de l'antisémitisme par excès.
J'ai même entendu certains d'entre eux se déclarer... antisémites pour les mêmes raisons.
Je ne les ai pas contredits.
Entre temps, j'ai lu la polémique da la revue 22. Cela n'a modifié en
rien l'opinion que je m'étais faite sur le sujet, sans leur
bibliographie. Je résume :
- Liiceanu, dans le texte Sebastien, mon frère, ne présente pas des
symptômes d'antisémitisme - si j'étais méchant, je dirais : au
contraire, il affiche un philosémitisme huileux, sans autre nécessité
que la préparation du terrain en vue d'y ériger sa propre statue de
"grand persécuté par les communistes"...;
- Voicu, dans le texte qui provoqua la Grande Mini-Bataille, n'a pas
formulé l'accusation d'antisémitisme à l'adresse de Liiceanu (malgré
tout ce qu'affirme Vasile Popovici).
- Sémillant érudit de quatre sous, d'une malhonnêteté opiniâtre,
avec ses citation fantaisistes, ses résumés inexactes mais toujours
accusateurs, ses manipulations dans les textes "cités" (voir des noms
de... philosémites inclus dans le texte de Voicu : Tsepeneag, Breban,
Iorgulescu) - Ed. Reichmann a jeté le pavé dans la mare... Ceux qui
s'empressent à le chercher ne sont pas plus sensés.
Je m'en fiche de ce que disent Pavel Cîmpeanu, Ioanid,
Lavastine-Laignel (autre monument d'ignorance doublée de mauvaise foi,
on dirait une Roumaine de souche).
Ces deux camps sont constitués de manière à ne pas communiquer :
accueillant des gens pour lesquels la vérité, dans un débat, est une
question totalement secondaire, même négligeable, il était fatal que
leur dialogue montre qu'en Roumanie postcommuniste chacun récite son
discours), personne n'écoute son interlocuteur - mais accuse celui-ci
de tous les péchés.
La question de l'antisémitisme ainsi présentée, en dépit de l'espace
typographique qu'on lui a accordé, reste au second plan, et de toute
façon, elle reste une conclusion dont les prémisses n'ont pas été
énoncées.La bagarre a lieu autour de ces deux réponses (aux questions) :
1. Est-il vrai ou pas que les juifs ont été le facteur déterminant dans l'instauration du communisme en Roumanie ?
2. Peut-on mettre le signe de l'égalité entre nazisme et communisme ? Entre Holocauste et Goulag ?
Comme je suis quelqu'un qui, d'un côté, y a été partie prenante
malgré soi (j'ai été accusé simultanément d'antisémitisme et
philosémitisme) ; comme, d'autre part, j'ai des connaissances d'histoire
- disons des notions d'histoire, ce qui est beaucoup car Liiceanu,
Reichmann, Manolescu, Z. Ornea n'en ont aucune - je me permet d'entrer
dans ce débat :
1. Ces Roumains se trompent, qui soutiennent que les juifs ont
con-stitué le facteur déterminant dans l'instauration du
communisme en Roumanie.
- le facteur déterminant dans l'instauration du communisme en
Roumanie, comme dans d'autres pays, a été l'Armée rouge qui a occupé
notre pays.
- ce n'est pas uniquement en Roumanie que les juifs ont joué un rôle
de premier plan dans l'instauration du communisme, ils l'ont fait aussi
en Russie, en 1917, en Hongrie en 1919...
- ce n'est pas uniquement en Roumanie mais dans toute
l'Europe de l'Est occupée militairement par les Russes que les juifs ont
contribué à l'instauration du communisme, jouant le rôle de :
a) collaborateurs de l'occupant, recrutés parmi les autochtones. Sans
oublier aussi les collaborateurs hongrois, tsiganes, ukrainiens et...
roumains ;
b) émissaires de Moscou (juifs russes, juifs hongrois, juifs
français etc.), mais il y avait aussi des non-juifs : Russes-russes,
Bulgares-bulgares, Hongrois-hongrois...
Les Turcs aussi se servaient de collaborationnistes (parmi les boyards
locaux) aussi bien que des envoyés étrangers : Arméniens, Albanais,
Aroumains de l'Empire ottoman, et surtout des Grecs du Fanar. Ce
n'est pas l'occupant russe qui a, le premier, employé les minoritaires
pour soumettre les majoritaires, en définitive, cela
tient à la nature même de l'occupant, de se servir des auxiliaires
recrutés parmi les minorités ethniques qui avaient
été persécutées auparavant (Juifs, Tsiganes). (En
Roumanie il y avait une minorité ethnique qui n'avait guère été
persécutée auparavant, mais qui a été portant largement
employée par les Russes contre la majorité roumaine : les Hongrois).
Indubitablement, les juifs qui soutiennent qu'ils ont joué le rôle de
banals collaborateurs disent/écrivent-ils une contrevérité flagrante.
Ils n'on pas été de banals collaborateurs, mais des zélés, certains même
fanatiques. En oubliant, selon un programme (soviétique !), l'ordre des
événements dans le temps, ils sont parvenus à justifier les agressions
de 1940-1941 en les présentant comme une réponse à la déportation et au
massacre de leurs coreligionnaires par les Roumains, après le 22
juin 1941, en éludant leurs actions abominables entre le 27 juin 1940 et
le 22 juin 1941, en Bessarabie et en Bucovine du Nord. Il est vrai, ils
agissaient sous le drapeau de l'occupant soviétique.
En fait, la vengeance exercée par des juifs sur des Roumains (et pas
que sur eux) n'avait pas un motif immédiat. Il faut remonter loin dans
le temps, à la destruction de Jérusalem qui les a disséminés un peu
partout aux quatre points cardinaux et surtout aux persécutions
infligées par l'église chrétienne. Pas uniquement par l'Eglise
catholique car dans l'Empire russe le pogrome n'a pas été inventé par
les papistes polonais assujettis mais par les maîtres russes orthodoxes.
La révolution bolchevique leur a donné le pouvoir de frapper le
christianisme, on peut imaginer ce qui aurait été si l'armée russe
arrivait jusqu'à l'Atlantique, en occupant des pays catholiques comme la
France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal...
(Est-ce qu'ils ont raison, les juifs, de se venger de leurs
oppresseurs/persécuteurs ? En obéissant à la Loi du Talion, oui. Mais
selon les Dix Commandements, non, ils n'ont pas le droit de dénaturer la
vérité).
Pareil pour les Roumains. Ceux qui soutiennent que les juifs ont joué
un rôle déterminant dans l'instauration du communisme en Roumanie,
affirment/écrivent une contrevérité. Les juifs y ont eu un rôle
important, disproportionné, même comparés à la minorité hongroise
(jusqu'en 1952 ils étaient proportionnellement plus nombreux que les
Hongrois et dans des postes plus importants) ; mais leur rôle n'a pas
été déterminant, on n'est pas sans savoir que l'Armée rouge qui avait
occupé la Roumanie n'était pas composée de soldats juifs.
2. Dans la dispute Holocauste-Goulag, les trompeurs trompés sont les juifs.
C'est complètement compréhensible qu'ils ne soient pas prêts à oublier
les persécutions qu'on leur a infligées depuis deux mille ans et qui au
XXe siècle ont culminé par la tentative d'extermination en masse
organisée par le nazis. Mais il est inadmissible que les juifs
minimisent, banalisent, repoussent sur le énième plan et même nient des
massacres (qui peuvent être classés eux aussi comme génocides)
d'autres ethnies que la leur, qui ont été signalés soit avant
l'Holocauste - comme le massacre de 1915 des Arméniens - soit après,
comme ceux du Tibet, du Cambodge, d'Ethiopie, de Rwanda, de
Tchétchénie...
L'année passé, ici, en France, il y eut un scandale vite étouffé : la
communauté arménienne sollicitait depuis longtemps la reconnaissance
officielle du génocide arménien perpétré par les Turcs, en 1915. Le
président de la République, Jacques Chirac, a fait publique une
déclaration de reconnaissance, mais le Sénat s'y est opposé et s'y
oppose encore aujourd'hui. Pourquoi ? Tout d'abord, parce que cela
suppose une condamnation de la Turquie, important client de l'industrie
aéronautique française ; ensuite, parce que l'Israël avait appuyé (en
quelle qualité, cet appui ?) la demande de la Turquie d'être cooptée
dans la communauté européenne (!), sûrement pour des raisons de
stratégie locale dans le Moyen-Orient.
Simultanément il s'est amorcé un "débat scientifique" autour du
génocide des Arméniens et parmi les négationnistes on pouvait compter
l'historien Gilles Veinstein, turcologue, professeur à la Sorbonne
(co-auteur avec Mihnea Berindei d'une étude sur les Douanes turques).
Avec une surprenante suffisance celui-ci nia l'intention des Turcs
d'exterminer les Arméniens et par la suite, le caractère programmé de
leur massacre dans le cadre de l'Empire ottoman en 1915. Le pire c'est
que lui, juif, ne se gêne pas d'entrer dans la catégorie des
negationnistes. C'est vrai, sa négation ne portait "que" sur le massacre
de goys...
De telles démarches sont indignes et ne font que confirmer les
accusations des Palestiniens : les juifs ont institué un monopole de la
souffrance en interdisant à d'autres communautés non seulement d'avoir
une place sur terre, sous le soleil de la Palestine, mais aussi dans la
mémoire des hommes.
Il est inadmissible l'interdiction des juifs de mettre sur deux
colonnes le nazisme et le communisme, de comparer l'Holocauste et le
Goulag. Ils fournissent eux-mêmes l'explication : l'extermination des
juifs - programmée par les nazis, mise en application avec une barbarie
sans bornes et avec des conséquences catastrophiques pour la communauté
- doit rester unique dans l'histoire. Par conséquent, il est interdit
d'employer le terme d'Holocauste en parlant d'un autre massacre, d'une
autre destruction massive d'une communauté ou d'une catégorie humaine.
Ainsi, un ami d'exil arménien (Armand Malumian) a été traîté de...
blasphématoire parce qu'il avait écrit à peu près ceci : "A Vorkuta,
après la grève (il était l'un des organisateurs de cette légendaire
grève avec notre compatriote Johann Urwich, en juillet 1953), la
répression fut un vrai holocauste..."
Après tout, c'est l'écrivain catholique François Mauriac, en 1958, dans
Le Figaro, qui a employé et imposé le terme gréco-latin holocauste,
pour désigner - à côté du mot d'origine hébraique shoah -
l'extermination des juifs par les nazis...
Une grande partie de la responsabilité dans le détournement de ce débat
revient aux non-juifs. Ignares, ignorants des événements, ou, plus
grave, atteints d'amnésie, ils sont faciles à manipuler, à désinformer,
à... détourner (car ils ne connaissent pas leur sujet). Si Liiceanu,
Manolescu, Tudoran (et "d'autres antisémites", comme dirait le camarade
de la camarade Lilly Marcou, célèbre stalinienne, devenue "politologue",
Ed. Reichmann) avaient eu des connaissances d'histoire ils auraient
été au courant des idées suivantes :
a) il est vrai que la doctrine nazie avait prévu, noir sur blanc, l'anéantissement de la « race » juive...
- mais la pratique du nazisme a abouti à l'anéantissement de
différentes autres ethnies aussi : tsigane et slave ; et celui d'autres
communautés humaines comme les homosexuels, les handicapés, les
communistes, les maçons, les catholiques etc.;
b) il est vrai que la doctrine communiste ne prévoyait pas
l'«anéantissement d'une certaine race», mais l'«anéantissement de
certaines classes» : la bourgeoisie, les paysans, le clergé, les
officiers de carrière...
- mais la pratique du communisme a abouti à l'anéantissement de
plusieurs communautés ethniques : ukrainienne, balte, moldave, tatare,
tchétchène ; à la liquidation d'autres catégories aussi :
déviationnistes, cosmopolites, sionistes, cosmopolites, nationalistes,
espions, saboteurs...
Donc aussi bien le nazisme que le communisme ont été (le nazisme est
mort, vive le communisme ! en Chine, en Corée, à Cuba !) des doctrines
de la destruction de l'homme, de la destruction des valeurs humaines
basées sur les valeurs judéo-chrétiennes.
S'il est compréhensible (mais pas acceptable) que les juifs évitent de
parler du massacre programmé des Tsiganes, des Polonais , des
Biélorusses, des Ukrainiens il est insupportable que des chefs de file
des intellectuels roumains ouvrent des débats ou s'y engagent en totale
ignorance du sujet.
Ils n'auraient pas dû se proposer de dresser les listes de
"collaborationnistes juifs" (moi-même, je peux donner la liste des
collaborationnistes... transylvains, ceux-ci ayant, à la différence
des juifs, vendu leurs propres frères et leur pays : le sinistre Petru
Groza en tête, suivi par la Securitate culturelle : Beniuc, Dumitru
Mircea, Andritoiu, Virgil Candea, Titus Popovici, Francisc Munteanu,
Francisc Pacurariu, Romul Munteanu, Dodu-Balan, Ion Brad, Ghise,
Lancranjan, Dumitru Micu, D.R. Popescu, Petre Salcudeanu, Ioan
Alexandru, A.D. Munteanu, Buzura...); ils n'auraient pas dû non plus
comparer l'Holocauste au Goulag, seulement pour établir lequel précédé
l'autre, dans le temps, lequel a produit l'autre. Ils auraient dû se
proposer tout simplement de parler du phénomène terroriste nazi ainsi
que du phénomène terroriste bolchevique comme de monstruosités
parallèles et simultanées, ayant des effets identiques : l'assassinat de
dizaines de millions d'innocents.
Affirmer : «le Goulag a été un Holocauste qui a fait plus de victimes»
est une ineptie, même s'il y a là une partie de vérité. On ne peut pas
concevoir la "supériorité quantitative" d'une horreur sur une autre, le
crime commence à partir d'une victime, pas d'un million.
Il aurait été normal que, face aux juifs qui ne veulent pas admettre le
parallèle Holocaust-Goulag, les non-juifs fassent les renvois
bibliographiques nécessaires. Cela avait déjà été fait même par des
intellectuels juifs :
-Vassili Grossmann (co-auteur en 1945, du Livre noir) dans son roman Vie et Destin écrit après la mort de Staline (1954)
- André Glucksmann, le "nouveau philosophe" : il y a 25-30 ans déjà, il
mettait sur deux colonnes le Goulag et l'Holocauste dans le volume la Cuisinière et le mangeur d'hommes ;
- Marc Ferro qui, depuis quelques bonnes années réalise une très bonne
émission là-dessus à la télévision et vient de publier un volume sur
nazisme et communisme
-Alexandre Adler. Lui aussi officie dernièrement à la télé, et dans d'excellentes émissions sur nazisme et communisme.
Il n'y a pas que eux. Hannah Arendt et Pierre Hassner et Alain Besançon
et Alain Finkielkraut, Esther Benbassa ont «commis le sacrilège» de
comparer les horreurs de cet horrible siècle !
Et parce que des journaleux roumains perspicaces ont affirmé que les
auteurs du Livre noir du communisme sont tous juifs, nous leur suggérons
d'observer que là aussi on compare les crimes des communistes et des
nazis.
Le débat des bords de Dimbovitza me paraît un vulgaire tapage soulevé
par l'ignorance crasse, l'analphabétisme en matière d'histoire
élémentaire de l'intellectuel roumain - même s'il est juif.
Et l'impertinence d'un Ed. Reichmann (le spécialiste en littérature
roumaine pour lequel Cezar Petrescu et Camil Petrescu ne font qu'une
seule et unique personne et un seul auteur : "C. Petrescu" !) a trouvé
son répondant dans la suffisance ignorante et le manque d'honnêteté
des Liiceanu, Manolescu, Tudoran ...
Photographie de Dan Culcer ©
11 mars 2000
Nota: Le texte a ete initialement publié dans la versiopn ancienne de la revue Asymetria, dont certain pages sont encore accessibles sur Internet Archive a l'adresse suivante : http://web.archive.org/web/20020307084351/http://www.asymetria.org/gomafrench.html
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