Who's Online
Exista in mod curent, 21 gazda(e) si 0 membri online.
Sunteti utilizator anonim. Va puteti inregistra gratuit dand click aici |
Languages
Select Interface Language:
|
| |
Eseuri: Claude Karnoouh. Obama ou Comment fabriquer l'homme providentiel
Scris la Wednesday, January 14 @ 13:35:07 CET de catre asymetria |
Obama ou Comment
fabriquer l’homme providentiel
Á peine vingt-cinq jours après l’élection de Barack Obama, après
des moments d’enthousiasme proche du délire collectif, d’exaltation
quasi messianique pour le premier homme de couleur accédant à la Présidence
des états-Unis, après la frénésie européenne, essentiellement française
et allemande, traversant tous les milieux sociaux, toutes les classes
sociales, depuis le Front national à l’ex-future candidate du PS
jusque dans les colonnes de l’Humanité, après les professions
de foi tenues sur les vertus de la démocratie étasunienne, après
l’enivrement des jeunes « blacks » des banlieues dites « chaudes »
qui déliraient de joie en s’appropriant le nouvel élu ; dix jours
après, pendant que les peuples assommés d’une propagande profondément
ethniciste s’enivrent encore de cette « divine surprise » et s’extasient
devant le bel Obama et la première First Lady de couleur, il
faudrait savoir raison garder. Car, au bout du compte, c’est un homme
politique que les étasuniens ont élu, et non une rock star
charismatique, quoique par moments l’on puisse en douter, et le nouvel
élu semble avoir pris le pli de se présenter devant le peuple dans
un style glamour très people, une sorte de synthèse
harmonieuse entre Harry Belafonte et Oprah Winfrey.
Obama ou Comment
fabriquer l’homme providentiel
Á
peine vingt-cinq jours après l’élection de Barack Obama, après
des moments d’enthousiasme proche du délire collectif, d’exaltation
quasi messianique pour le premier homme de couleur accédant à la Présidence
des états-Unis, après la frénésie européenne, essentiellement française
et allemande, traversant tous les milieux sociaux, toutes les classes
sociales, depuis le Front national à l’ex-future candidate du PS
jusque dans les colonnes de l’Humanité, après les professions
de foi tenues sur les vertus de la démocratie étasunienne, après
l’enivrement des jeunes « blacks » des banlieues dites « chaudes »
qui déliraient de joie en s’appropriant le nouvel élu ; dix jours
après, pendant que les peuples assommés d’une propagande profondément
ethniciste s’enivrent encore de cette « divine surprise » et s’extasient
devant le bel Obama et la première First Lady de couleur, il
faudrait savoir raison garder. Car, au bout du compte, c’est un homme
politique que les étasuniens ont élu, et non une rock star
charismatique, quoique par moments l’on puisse en douter, et le nouvel
élu semble avoir pris le pli de se présenter devant le peuple dans
un style glamour très people, une sorte de synthèse
harmonieuse entre Harry Belafonte et Oprah Winfrey.
Un
simple coup d’œil sur l’équipe de campagne du candidat Obama,
un recueil des biographies des premières personnes nommées pour occuper
les postes cruciaux de conseillers présidentiels et de secrétaires
d’état de la future administration remettent les choses à leur place.
Ces nominations illustrent, une fois encore, la parole du prince Salina
dans le Guépard : « Il faut que tout change pour que tout demeure en
place ».
L’important
pour les vraies élites dirigeantes – aux états-Unis le complexe
militaro-industriel-financier (dénoncé, en son temps par le Président
Eisenhower) – ce n’est pas le parti formant tel ou tel gouvernement
et gérant le pouvoir, mais, en fonction de la conjoncture, celui qui,
tout en faisant semblant de répondre spectaculairement aux aspirations
des masses, est capable de maintenir leur pouvoir et de le renforcer
afin de conserver tous les avantages, financiers, politiques, symboliques,
qu’il procure. Dans son ouvrage sur les états-Unis, le sociologue
Denis Lacorne remarquait que le capitalisme le plus avancé, le plus
moderne, et donc le plus ouvert à une intensification toujours plus
accusée de la mondialisation, était à l’égard des mœurs le plus
tolérant et le plus ouvert à toutes les nouvelles formes de socialisation
et sexualisation. 1L’auteur relevait qu’au tournant des
années 1970-1995, les états-Unis étaient un champ de lutte entre
l’ancien capitalisme conservateur, représenté par la droite du parti
républicain, héritière des modèles du XIXe siècle, et un capitalisme
moderne, incarné par des milliardaires tels que les financiers Georges
Soros et Bill Gates et une majorité des membres du nouveau parti démocrate
représenté par le couple Clinton. Pour ces derniers, ni les mœurs
ni l’origine ethnique ne peuvent faire l’objet de discrimination
politique (ni, bien sûr, culturelle) pourvu que mœurs et groupes n’enfreignent
pas les lois. De fait, il s’agit d’une positivité, développée
par l’affirmative action, tournant parfois au grotesque, ainsi
lorsque ses thuriféraires imposent des contraintes au langage pour
en faire la langue du politiquement correct. Dans un mélange où sont
mises en avant des différences culturelles, vraies ou fausses, construit-on
une société où, comme dans la sphère des marchandises, tout n’est
que simultanéité et collage. Ainsi, homosexuels, travestis, lesbiennes,
gens de couleurs, hispaniques, chinois, coréens, juifs, amérindiens,
etc., ne sont pas considérés au premier chef comme ils devraient l’être
dans un état de droit, des citoyens égaux -le combat pour les droits
civiques fut constitutionnellement légitime- mais comme les
membres de communautés dont on épingle et réifie les origines ou
les pseudo-différences.
Tous ces groupes, y compris les « Afro-Américains
branchés » (cinéastes, acteurs, chanteurs pop-rock-rap-hip-hop, très
« bling-bling »), militants des partis institutionnalisés, appartiennent
à l’upper middle class : ce sont des électeurs très actifs,
des lobbyistes zélés et des consommateurs importants. Les protéger
et les défendre représente une affaire politico-économique et idéologique
à ne pas rater. Une société fondée sur le collage et la juxtaposition
de communautés n’est pas une société de citoyens ni une société
qui reconnaît le paradigme des classes sociales en conflit, mais un
assemblage d’intérêts qui se complètent ou s’affrontent pouvant
entraîner la désagrégation de l’état le jour où la machine se
dérègle gravement. L’autre effet de cette culturalisation du corps
social, c’est qu’il masque ou efface dans le discours officiel pour
le consensus les rapports de classe, implicites ou explicites, conscientisés
(comme expérience existentielle) ou regardés d’un seul point de
vue objectif. Une fois encore, les faits, têtus pour qui sait les regarder
en face sont là : « la tolérance multiculturelle, rappelait Slavoj ®i¾ek,
est l’idéologie hégémonique du capitalisme global. » 2
La relation essentielle du capitalisme s’inscrit toujours entre les
deux pôles du socius que son essence engendre dans le rapport
du capital au travail, instauré et réinstauré, pour la production
encore plus intense des marchandises : celui de la pauvreté et celui
de la richesse. Combien de miséreux et de travail faut-il pour fabriquer
les multimilliardaires de la finance et du management, les multimillionnaires
du show et du sport business, les top-modèles
qui par leur consommation ostentatoire entretiennent les rêves des
revues « people » ?
Au
début du XXe siècle, le président des états-Unis, Théodore Roosevelt
disait vrai quand il affirmait : « The business of America is precisely
business » : messianisme et prophétisme industriel, marchand, mêlés.
Il complétait ainsi la doctrine Monroe avec celle, éminemment empirique,
du « big stick ». Un état-entreprise : l’exemple même, selon
Marx, de l’état dont le personnel politique, quelle que soit l’origine
sociale, représente la classe qui dirige et domine la grande économie
(industrie et finance), incarné par le mot-valise du complexe militaro-industriel.
De ce point de vue le film de Cimino, Heaven Gates (Les portes
du Paradis) et l’ouvrage de l’historien Howard Zinn, A People
History of the United States (Une histoire populaire des états-Unis)3
sont de parfaites illustrations de la nature particulière et bien réelle
du totalitarisme Usa. La seule transcendance s’y présente sous une
double face : sous l’égide d’un dollar faisant la publicité de
la foi en Dieu (« In God we trust » est-il écrit sur chaque
dollar), et avec la sacralisation quasi mystique de la propriété privée.
Dès qu’aux états-Unis une force authentiquement populaire s’élève
pour changer l’équilibre des pouvoirs et remettre en cause la distribution
de la propriété, elle est, sans marge de négociation, écrasée par
un jeu très habile où se conjuguent l’application de la loi et la
répression physique d’une extrême violence.
Je
tiens l’élection de Barack Obama pour l’une des plus belles opérations
de marketing politique organisée et réussie aux Etats-Unis par sa
classe dirigeante. Je sais que cette affirmation en choquera plus d’un
parmi les bonnes âmes de la social-démocratie (sans parler de la flagornerie
coutumière des intellectuels à ses ordres) et parmi les aveugles naïfs
(fussent-ils bardés de diplômes universitaires) pris par l’« obamania »,
confondant un homme politique, fût-il métis, mais banalement élu,
avec l’homme providentiel qui, dans l’épreuve se révèle un grand
stratège politique. Une analyse minutieuse de la manière dont le sénateur
Obama a accédé au pouvoir présidentiel montre la nature exacte de
cette élection qui, usant de la démocratie de masse, pour mieux ressaisir
un pouvoir discrédité moins par les guerres néocoloniales déclenchées
en Irak et en Afghanistan que par les dysfonctions profondes de la machine
économique : crise productive, krach boursier, déflation et dépression
économique globale à l’automne 2008.
Pour
tenter de saisir ce qui s’est passé, il convient de nous tourner
d’abord vers la faillite de l’administration Bush. Si elle a totalement
ou presque raté son coup pour mettre en œuvre la domination impériale
globale, c’est de n’avoir pas mesuré avec plus de lucidité les
coûts économiques de telles opérations. Selon une habitude propre
à tous les pouvoirs coloniaux et néocoloniaux, l’administration
Bush a méprisé l’ennemi jugé comme un « sous-homme » terrorisé
par la puissance d’un armement hautement technologique. Mais l’homme
de l’hyper-technologie oublie des choses essentielles propres à l’homme
archaïque, le courage et le mépris envers la mort chez des peuples
guerriers ou insoumis. Lorsque le président Bush annonça, « The
job is done, war is over », ses conseillers se doutaient-ils que
huit ans après le bombardement et l’invasion de l’Irak, ce pays
serait toujours instable, en parti insoumis, et quasiment ingouvernable.
Quant à l’Afghanistan, la majeure partie de son territoire demeure
hors du contrôle des troupes de l’Alliance. Pour trouver les moyens
financiers de ces guerres de « basse intensité », l’ancien président
de la Fed, A. Greenspan a mis en place une dérégulation générale
de l’économie de manière à intensifier le flux de l’épargne
mondiale et le diriger vers les états-Unis. En effet, depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale, la victoire sur l’Allemagne nazie et
le Japon, les états-Unis ont mis au travail leur puissance pour donner
à ses élites et à ses classes moyennes le niveau de vie le plus élevé
du monde sur le dos des autres. Malgré un développement technoscientifique
sans équivalent dans l’histoire, l’artificialité entre les jeux
financiers du crédit, la production réelle des richesses et leur consommation
finit par dérégler un équilibre toujours fragile des échanges lorsque,
par exemple, les créditeurs, pour une raison ou pour une autre, décident
de récupérer massivement leurs valeurs boursières en espèces. Dans
un système où le moteur essentiel de la croissance économique s’appuie
sur la consommation des ménages d’une part, sur l’immobilier d’autre
part, il suffit d’un accroc dans le flux de la production-crédit-consommation,
d’une surproduction, d’un mouvement de chômage imprévu, des crédits
trop importants par rapport aux réserves monétaires de quelques institutions
financières importantes, pour faire tomber l’édifice comme un château
de cartes. C’est ce qui advient présentement à une échelle inégalée
depuis 1929. Nous avons pu compter les sommes immenses (des fonds publics)
consentis par les états afin que des très prestigieuses banques, des
non moins prestigieuses compagnies d’assurance (ayant assuré des
prêts à très haut risque) dispersées dans les pays riches et certains
pays émergeants, pour qu’elles ne soient pas mises en état de cessation
de paiement et déclarées en banqueroute totale comme l’a été voici
deux mois Lehmann Brothers, l’une des six majors de New York.
C’est dans ce contexte de tensions entre l’Europe (l’Europe qui
compte, car aujourd’hui l’heure de vérité a sonné pour les pays
économiquement croupions, les nouveaux venus de l’ex-empire soviétique)
et les états-Unis que les responsables politiques et économiques parlent
de rebâtir un système de règles afin d’aménager et réguler à
nouveau les échanges mondiaux financiers et industriels. L’heure
est grave et beaucoup parlent de la nécessité d’un nouveau Bretton
Wood. La crise qui, voilà à peine trois mois ne faisait que commencer,
empire de jour en jour. Pour le dire avec le titre d’un remarquable
film sur la naissance du capitalisme : There will be Blood ! ça
va saigner ! ça saigne déjà du côté du chômage. Voilà le contexte
dans lequel se sont déroulés les deux derniers mois de la campagne
présidentielle aux états-Unis. Ce contexte ne peut pas être écarté
pour comprendre la grande victoire du sénateur Obama.
Voici
quatre ans, Barack Obama, n’était qu’un jeune sénateur de l’Illinois,
nouvellement élu au Congrès, à peu près inconnu ou presque dans
la vie politique. Il ne s’était pas fait remarquer pas des prises
de positions radicales. Il avait simplement voté contre l’intervention
en Irak, une minorité, et il n’était donc pas le seul. Soudain,
voici deux ans, il se déclara candidat à la présidence des états-Unis.
S’il faut une certaine mégalomanie pour briguer un tel poste, le
système politique « à deux têtes » ne permet jamais l’émergence
d’une candidature sauvage, surtout en son sein, capable de rassembler
les donateurs nécessaires afin de mettre en œuvre une campagne efficace
sur tous les médias audiovisuels (qui, à cette occasion, encaissent
des bénéfices énormes). Comme par enchantement le sénateur Obama
reçut immédiatement des sommes considérables, bien plus importantes
que celles obtenues par sa plus sérieuse concurrente démocrate, Hillary
Clinton, vieux routier de la politique, sénatrice de l’état de New
York, et surtout, épouse et conseillère de l’ancien président Clinton,
rompue à tous les mystères et les pièges bureaucratiques et politiques
de la capitale fédérale. Il y aurait eu de quoi être quelque peu
surpris. De plus, Barack Obama, enfant d’une famille divorcée très
modeste ne pouvait donc en appeler à une dynastie puissante et wasp
des Roosevelt ou des Bush, ni à une communauté importante comme le
richissime catholique d’origine irlandaise, les Kennedy, ni, comme
Ross Perrot, à sa fortune personnelle. Par ailleurs, on ne le trouve
pas porteur de quelque gloire acquise au préalable dans d’autres
domaines ; il n’est pas l’héritier d’une très ancienne position
sociale comme Théodore Roosevelt (et plus tard son cousin Frank Delano
Roosevelt), tous deux descendants d’une des familles hollandaises
ayant participé à la fondation de New York (et le second, par sa mère,
avait pour ancêtre l’un des membres du Mayflower) ; il n’a
jamais joué un rôle de premier plan dans l’armée comme le général
Dwight Eisenhower, ou son concurrent, MacCain, fils et petit-fils d’amiral
qui, s’il n’a jamais eu un rôle important dans l’aviation embarquée
de l’US Marine, n’en a pas moins l’aura de l’ex-prisonnier de
guerre au Nord Vietnam ; il n’a pas fait carrière dans le cinéma
comme Ronald Reagan, célèbre certes, mais moins comme acteur de talent
que comme dénonciateur de communistes sous le maccarthysme en tant
que président du syndicat des acteurs à Hollywood, puis, plus tard,
en tant que gouverneur de la Californie (l’état le plus riche des
états-Unis) ; il ne représente pas un puissant groupe politique de
démocrates, d’un état du Sud au statut particulier, le Texas, comme
l’était Lyndon Johnson ou, autre cas de figure, Jimmy Carter, riche
lui aussi, certes non texan, mais Georgien, et donc le premier Président
d’un état du Sud profond : avec retard on jouait avec lui la réconciliation
totale avec les Confédérés. On ne peut même pas faire appel à lui
pour le comparer à l’origine pauvre de son modèle, Abraham Lincoln,
car si ce dernier venait d’une famille analphabète de la Frontier,
il ne s’en était pas moins forgé, bien avant son élection en 1861,
à l’âge de cinquante-deux ans, non seulement une solide réputation
politique, mais, comme avocat, était devenu le représentant des industriels
du Nord, dévoué aux intérêts des compagnies de chemin de fer qui
partaient à la conquête des Etats-Unis et n’avaient plus que faire
d’un système esclavagiste archaïque, caractéristique de l’ancienne
économie rurale des états du Centre-sud et du Sud. Ceux-là voulaient
un prolétaire « libre », sans plus d’attache à l’égard de ses
employeurs qu’un contrat léonin, travailleur plus corvéable encore
qu’un esclave qui, en tant que propriété privée, pesait directement
sur le patrimoine de son maître et son manque à gagner si d’aventure
il ne pouvait, pour une raison ou pour une autre, travailler. Lincoln
fut l’antiesclavagiste au profit d’un prolétariat sans syndicat,
sans défense, soumis au bon vouloir des industriels, à la police,
voire parfois à la garde nationale ou à l’armée de l’Union.
On
ne sait pas vraiment d’où Barack Obama tira la gloire qui lui permit
d’avancer sa candidature, si ce n’est la manière dont ses mentors
insistèrent sur le fait qu’il était un métis noir, jeune, sympathique,
sorte de nouveau Kennedy de couleur, pouvant redonner de l’espoir
aux états-Unis et répétant sans cesse : « nous changerons, nous pouvons
le faire ». Est-ce bien là un programme politique ? Ses sympathisants
se sont-ils demandé un seul instant s’il n’y avait pas là une
manière à la fois bien raciste et bien simpliste de penser la valeur
politique d’un homme, même si au lieu d’être négative comme le
fut longtemps, la positivité attribuée à la couleur de la peau ou
au sexe féminin ne gommait en rien le racisme latent qu’elle sous-tend ?
Comme si la grande politique était question de couleur de peau ou de
genre masculin ou féminin. Il y a eu de très grands leaders noirs
en Afrique, Kenyatha, N’Krumah ou Lumumba, des femmes politiques très
habiles et très obstinées, Mesdames Ghandi, Golda Meir, Bhutto, Thatcher,
d’authentiques grands acteurs politiques quand bien des rois, des
présidents de la République ou du Conseil, des premiers ministres,
n’étaient que des gestionnaires tristes et obtus. Le véritable acteur
du néoconservatisme anglo-saxon n’a jamais été Ronald Reagan avec
ses mots d’esprit, mais l’austère Madame Thatcher. L’affirmative
action n’a jamais été un gage d’égalité plutôt une aumône
charitable. Vers le mois de mars 2008 les commentateurs mesuraient le
fond du combat politique entre Hillary Clinton et Barack Obama comme
un match entre l’image que renvoyait un homme de couleur confronté
à une femme blanche. Mais jamais on entendit de débats sur le fond
de leur programme respectif s’ils en avaient réellement sauf, peut-être
lors de leur dernier débat où il semble que dans le domaine de la
politique intérieure, en particulier pour tout ce qui concerne la politique
sociale, Hillary Clinton se montra bien plus progressiste Barack Obama.
Homme
venu d’une famille modeste, époux d’une femme noire étasunienne,
issue elle aussi d’une famille extrêmement modeste, tous deux boursiers,
rudes travailleurs, qui ont fait de bonnes études de sciences politiques,
de relations internationales et de droit dans d’excellentes universités,
ni l’un ni l’autre n’ont appartenu à de prestigieux instituts
de politologie, à des think-tanks de relations internationales,
ou à ces grands cabinets d’avocats d’affaires où de jeunes débutants,
enfants des « bonnes » familles (des riches, fussent-ils de la high
class ou roturiers) et des étudiants méritants et brillants, sont
repérés par des chasseurs de têtes pour commencer à préparer une
carrière politico-économique sous la houlette de professeurs ou de
collègues aguerris ayant déjà travaillé dans les hautes sphères
de l’administration fédérale. Car même un président d’origine
pauvre comme Bill Clinton, avait commencé, dès le BA obtenu, un apprentissage
de politique internationale dans la prestigieuse université de Georgetown,
spécialisée dans la préparation des futurs hauts fonctionnaires fédéraux,
diplomates, conseillers politiques, dirigeants de la CIA, du FBI et
de diverses agences. Son talent lui donna accès à une bourse Rhodes
qui lui permet d’étudier à l’université d’Oxford en Grande-Bretagne
pendant deux ans, pour ensuite revenir à l’université de Yale y
faire des études de droit. Très beau parcours d’un apprentissage
prépolitique qui lui ouvrira les portes de l’enseignement du droit
à l’Université d’Arkansas, avant d’y commencer une carrière
politique comme attorney général, juge d’état, puis en tant
que gouverneur. En définitive, riches ambitieux, pauvres talentueux,
ce qui caractérise le système politique étasunien depuis la Guerre
d’Indépendance, et surtout depuis la fin de la guerre de Sécession,
c’est que la même élite politico-économique (celle qui se confirme
d’une part et émerge de l’autre pendant la dernière moitié du
XIXe siècle) dirige le pays, jadis directement, et depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale plutôt, mais pas toujours (voire les Bush
et Carter) par l’intermédiaire d’hommes-paravents. Il existe certes
des exceptions, et depuis 1945 des présidents tentèrent d’obtenir
une véritable indépendance, mais chaque fois leur volonté fut mise
en échec. L’un, Nixon, dut démissionner, l’autre fut assassiné,
Kennedy. Au premier on planta le Watergate comme un poignard dans le
dos parce qu’il avait voulu garder un pouvoir autonome à la Présidence
qui lui aurait permis de résoudre, avec son conseiller Kissinger, de
manière plutôt équitable la guerre entre les Israéliens et les Palestiniens ;
quant au second, aidé de son frère Bob, Attorney général
(ministre de la justice) il lança des enquêtes et des procès contre
la Mafia qui lui avait assuré sa victoire électorale en mobilisant
ses forces, en particulier dans l’état du Michigan, décisif pour
gagner… Erreur impardonnable !4
Il arriva aussi une très
déplaisante mésaventure à Bill Clinton dont la passion (ma foi compréhensible !)
pour les jeunes femmes permit de bloquer toute recherche sérieuse d’une
véritable solution à l’impasse israélo-palestinienne : Monika Lewinsky
ayant été la bonne personne au bon moment. En effet, comment dans
un pays demeuré puritain, pourrait-on faire confiance à un Président
des états-Unis qui se fait faire des turluttes dans le bureau ovale
de la Maison blanche. Allons, ce n’est pas sérieux ! C’est bon pour
les Présidents français, joyeux lurons comme leurs compatriotes dont
ils sont les plus éminents représentants. Les états-Unis ont une
culture politique dure, violente pour ceux qui ne se soumettent pas
aux diktats des élites et des lobbies les plus puissants.
Aussi,
malgré les louanges adressées par les flagorneurs de tous poils à
la démocratie étasunienne, l’Histoire de la conquête depuis les
côtes de la Virginie jusqu’à la Californie (cf. le film de Raph
Nelson, Soldier Blue et celui de Terence Malik, New World),
celle de la guerre de Sécession (cf. le roman de Stephen Crane,
The Red Badge of Courage et le film qu’en fit John Huston) ou
celle de son mouvement ouvrier (cf. l’étonnant film d’Herbert J.
Biberman, Salt of The Earth)5 sont-elles là pour
démontrer que cet état n’a pas été moins répressif et sanglant
que ceux de la vieille Europe. Même un homme prudent et mesuré comme
le pasteur Martin Luther King perdit la vie pour des discours fort modérés,
rien qui ressemblât au programme des Black Panthers, lesquels
furent purement simplement assassinés. Demandons à Angela Davis d’une
part, aux champions noirs des jeux Olympiques de Mexico en 1968, de
l’autre, qui osèrent lever leur poing droit ganté de noir pendant
l’hymne national étasunien, comment ils ont été traités ensuite
par la plus « ancienne démocratie du monde » ! Je n’ai pas entendu
le sénateur Obama rendre l’hommage que méritent ces combattants
de la liberté, de la dignité humaine et de la véritable démocratie,
par ailleurs tous des noirs descendant d’esclaves ! Barack Obama, comme
d’autres noirs, a été coopté par l’élite blanche pour la servir.
Par exemple Colin Powell : West Point, brave officier pendant la guerre
du Vietnam, continuant une brillante carrière bureaucratique qui le
mena jusqu’au poste de chef d’état-major des armées dirigeant
la première guerre d’Irak, puis à celui de Secrétaire d’état,
avec la responsabilité d’endosser, sur ordre du Président Bush junior
(ou mieux sur ordre de ses adjoints rapprochés, Dick Cheney, Wolfovitch,
Rumsfeld et Perle) la responsabilité des énormes bobards déblatérés
devant l’assemblée générale de l’ONU quant à la présence d’armes
de destructions massives (chimiques et biologiques) en Irak… Un énorme
mensonge… reconnu aujourd’hui sans qu’il lui en soit tenu en rien
rigueur ; on le dit même pressenti pour un poste de haute responsabilité
dans l’administration Obama. De la même manière, Madame Rice fait
ce que le pouvoir réel lui dit de faire, rien de plus, rien de moins…
mais toujours avec le sourire et de somptueux escarpins Ferragamo. Aux
états-Unis les élites économico-politiques sont divisées en deux
tendances qui se partagent dans une parfaite alternance le pouvoir depuis
plus de deux siècles, avec de petites exceptions comme la présence
de Ross Perrot qui, en prenant 19 % environ de l’électorat de Bush
père, permit à Bill Clinton d’être élu. C’est cette élite qui,
en dernière instance, prépare les esprits à telle ou telle candidature
et détient les moyens financiers de la promouvoir. C’est pourquoi
le système étasunien ne permet jamais à un candidat indépendant
et désargenté, comme l’écologiste Ralph Nader par exemple, de faire
une campagne capable de lui attirer suffisamment de votes dans tous
les états. Il faut voyager, acheter des plages de télévision et de
radio, louer des salles de meeting, des salles de conférence, des hôtels,
avoir un minimum de personnels permanents à sa disposition, en bref
posséder des ressources financières sans vraiment compter. Rappelons-nous
les finances à la dérive d’Hillary Clinton vers la fin de sa campagne,
ayant dû gager une partie de ses biens personnels pour obtenir de nouveaux
crédits…
Hormis
deux années comme sénateur, Monsieur Obama, entraîné par son épouse
dans la politique du côté du camp démocrate, avait fait auparavant
une modeste carrière au sénat de l’Illinois, occupé à la défense
de lois sociales que l’on qualifierait en France de centre gauche.
Sa seule véritable prise de position nationale a été, en tant que
sénateur – le fait est hautement louable –, d’avoir voté contre
l’invasion de l’Irak, mais rien de plus… ni pour un homme encore
jeune, une carrière politique en vue, voire mondaine, comme les enfants
Kennedy ; ni leader d’opinion, encore moins membre de groupes alternatifs
hautement respectables comme, par exemple, les journalistes de la station
de radio et de télévision Democracy Now, critique permanente
de la politique de l’administration Bush depuis sa prise de pouvoir,
sous la ferme direction d’Amy Goodman. à l’évidence ne faisant
jamais allusion aux analyses de Noam Chomsky, pourfendeur résolu et
opiniâtre de l’impérialisme étasunien depuis plus d’un demi-siècle,
Monsieur Obama se présente en homme modéré, du centre – que dis-je
de l’extrême centre – et s’il paraît plus démocrate qu’il
ne l’est en réalité, c’est que la politique extérieure et intérieure
des néocons de l’administration Bush avait mis en place un système
quasi totalitaire de contrôle social, politique et policier mondial
qui fait qu’aujourd’hui il est bien plus difficile d’entrer aux
états-Unis que de passer les frontières de la défunte URSS, que ce
pays n’a plus aucun respect pour un minimum de droit international,
si bien que les états-Unis peuvent détenir de prétendus terroristes
dans diverses prisons, à Guantanamo et hors de leur territoire national,
dans divers états croupions ! C’est un effet de léger contraste (comme
on dit un effet de réel) qui assure à Monsieur Obama ce succès sans
pareil… Il est vrai que l’entrée à la Maison Blanche d’un président
métis, d’une « first lady » descendante d’esclave étasunien est
une révolution dans la vie sociale étasunienne, tant le pays fut jusque
fort récemment un pays majoritairement raciste… mais cette révolution
des mœurs ne préjuge en rien une modification profonde de la politique
sociale ! L’Union Sud-africaine est aujourd’hui politiquement dirigée
par les noirs de l’ANC (ex-communiste) quand il y a vingt ans y régnait
encore le système de l’Apartheid ! Tous les indices montrent que cette
nouvelle élite noire sud-africaine, avec son style, n’est pas moins
féroce pour la défense de ses privilèges récemment acquis, que naguère
les Africaaners et leur racisme insupportable de petits blancs calvinistes.
Le nouveau capitalisme mondial n’a plus besoin de ce genre d’exclusion
pour faire avancer le profit et maintenir son pouvoir.6 Mais
ce qui me surprend, c’est qu’une majorité de citoyens américains
qui appartiennent à une vraie gauche (on dit là-bas libéral) ayant
voté pour Monsieur Obama, le regarde comme une sorte de messie… Comme
si, parce qu’il est noir, il serait habité d’une spiritualité
capable de mettre en œuvre une politique vraiment différente de celle
exigée pour la défense des intérêts de l’empire… mais combien
parmi ces citoyens étasuniens seraient-ils capables d’accepter une
baisse de leur niveau de vie afin de rééquilibrer les échanges mondiaux ?
La question demeure en suspend, mais je doute qu’ils acceptent une
telle politique d’équité mondiale dans une économie majoritairement
globalisée…
Certes
nul ne peut contester que la crise économique qui semble plus intense
et grave que celle de 1929, ait joué un rôle essentiel dans l’élection
d’Obama, il n’empêche, le jeune sénateur de l’Illinois n’a
pas refusé le plan Paulson, un cataplasme sur une jambe de bois, visant
à renflouer les banques et leurs dirigeants avec de l’argent public,
sans leur demander de rendre des comptes sur leur gestion et, pourquoi
pas, sans exiger des poursuites judiciaires à l’encontre de ceux
ayant commis des fautes professionnelles inadmissibles, en particulier,
pour n’avoir pas pris les garanties suffisantes (les provisions bancaires)
pour les risques très importants liés à tout investissement de très
haute rentabilité sur des débiteurs aux revenus faibles… á ses
« spécialistes », la soif du profit sans limite a fait perdre le sens
des plus banales réalités économiques. Le candidat Obama a donc joué
le jeu des patrons de la finance étasunienne, et le soutien sans faille
que lui ont accordé Georges Soros et Warren Buffet, par exemple, en
dit long sur ses relations avec le capitalisme purement financier. Pour
le moment ce sont toujours les plus démunis qui sont mis à la porte
de leur habitation. Où vont-ils vivre ? Campent-ils dans des roulottes
ou des tentes, ou sont-ils simplement jetés sur le pavé ? S’est-on
posé aussi la question des classes moyennes ? Leur paupérisation est
déjà en route. Ainsi en cet été 2008, les états-Unis sont non seulement
le pays le plus haï dans le monde, mais celui qui dès septembre entraîne
la planète dans son naufrage économique… Déconsidérés à l’intérieur,
haïs à l’extérieur, les états-Unis sont en état de récession
économique avancée, objet de spéculations massives à la baisse de
la part d’institutions financières qui visent, à moyen terme, une
énorme surconcentration du capital, et donc de gigantesques bénéfices,
facteurs, à l’évidence, d’autres crises peut-être fatales !
Pour
ne pas perdre tout soutien afin de poursuivre leur politique impériale,
les états-Unis devaient donc donner impérativement une autre image
de leur système politique. Plus encore, si l’on ne veut pas que le
pays devienne ingouvernable, que des révoltes surgissent ici et là,
non plus des ghettos noirs ou latinos, mais parmi la population blanche
paupérisée, il fallait faire quelque chose de nouveau sans que cela
menace en quoi que ce soit le système politico-économique. Plus personne
ne croyait dans les valeurs classiques étasuniennes : démocratie,
welfare, défense de la liberté. Comment résoudre le problème
rapidement par l’image, puisque ceux soulevés par la réalité sont
autrement plus ardus, et peut-être pour certains insolubles sans de
très graves dysfonctions, sans des sacrifices porteurs à terme de
très violents mouvements sociaux que les forces de l’ordre devront
nécessairement résoudre avec violence ? Comment donc travailler l’image,
c’est-à-dire le simulacre ? Il fallait donc trouver l’homme providentiel…
On hésita à coup sûr. Impérativement il fallait un homme ou une
femme façade qui n’appartienne pas à la classe politique présente
au pouvoir depuis trois décennies, obligatoirement un personnage nouveau,
produit de la méritocratie et non de l’aristocratie sociale, il fallait donc
qu’il vienne d’une couche sociale très modeste. C’est le cas,
et tous les discours de Monsieur Obama depuis la convention de 2004,
lors du discours en faveur de John Kerry, martèlent le thème du « Rêve
américain » si cher aux Américains, comme Kennedy avait martelé jadis
celui d’un nouvel élan, d’une « New Frontier » pour l’accomplir.
Il fallait que ce personnage nouveau ne se soit pas compromis avec les
décisions les plus belliqueuses de l’administration Bush, mais surtout,
il fallait faire pendant à l’administration Bush qui avait nommé
en la personne de Colin Powell le premier secrétaire d’état noir
de l’histoire des états-Unis, mais, mieux encore, qui lui avait donné
comme successeur la première femme noire, Condoleezza Rice, ancienne
Conseillère à la Sécurité nationale entre 2001 et 2005. Le multiculturalisme,
forme dégénérée de la reconnaissance de l’altérité et réduction
de la politique à sa culturalisation spectaculaire, triomphait sous
l’égide de Républicains néoconservateurs, car, eux aussi, avaient
compris que la présentation du politique comme réduction multiculturelle
est une manière de neutraliser l’économie, de chercher la fin de
l’économie politique par l’absorption la plus vaste de mouvements
qui sembleraient s’opposer au mode de production capitaliste.7
« L’histoire du capitalisme n’est-elle pas la longue histoire de
la manière par laquelle : la structure idéologico-politique dominante
se révéla capable de concilier (et d’atténuer le caractère subversif)
des mouvements et des demandes qui paraissaient menacer sa survie même ? »8
Ce que les communistes, en bons héritiers de l’Aufklärung,
n’avaient pas compris en raison de leur entêtement stupide à repousser
les remarques de Nietzsche sur le nihilisme inhérent à la culture
académique et à la culture de masse. En bref, les Démocrates ne pouvaient
faire moins que les Républicains, à la fois pour, au plan fondamental,
maintenir l’économie politique hors du champ d’un vrai débat quant
au devenir du pays et, simultanément, capter les votes d’une majorité
de couleur, surtout ceux des noirs et des latinos. Que reste-t-il donc
après le poste de Secrétaire d’état déjà attribué à un homme
et à une femme de couleur ? Celui de Président parbleu… Selon cette
logique antipolitique de la concurrence culturelle, Monsieur Obama,
bien sous tous rapports, collait parfaitement au portrait type d’un
président de la République renouvelé, homme nouveau dans la politique,
homme sans compromission avec la vieille garde politicienne, homme de
couleur marié à une femme noire brillante, et bon père de famille.
Voilà construite l’image parfaite, capable de représenter une nouvelle
Amérique qui sait, le moment venu tourner la page et repartir du bon
pied vers des « lendemains qui chantent », preuve s’il en fallait
qu’il n’y eut pas que les Soviétiques qui orchestraient ce type
d’espoir, de fait, il est commun à tous systèmes politiques modernes
qui souhaitent changer sans véritablement changer… On prétend changer
de politique, parfois, dans certains cas très urgents changer une partie
de la classe politique, voire même de système de représentation politique9,
pour prétendre à la réalisation du bon gouvernement, fondement même
de l’idéalisme politique, jamais celui du réalisme. C’est depuis
l’autonomisation de la sphère politique toujours le même paradigme,
c’est Machiavel contre Spinoza, Clausewitz contre Kant, Carl Schmitt
contre le néokantisme, Mao contre le marxisme académique, etc. On
comprend donc pourquoi la classe dirigeante, des gens comme par exemple
le vieux sénateur Ted Kennedy et sa nièce la fille de John, Caroline,
les financiers déjà cités G. Soros, W. Buffet, des multimilliardaires
comme B. Gates ou comme l’acteur Georges Clooney, Oprah Winfrey ont
d’emblé soutenu Obama et non Hillary Clinton… Obama a donc été
choisi pour faire oublier l’administration Bush et les catastrophes
successives qu’elle a déclenchées. Pour faire oublier, mais non
pour guérir et changer réellement. Obama est donc le nouveau neuroleptique
politique étasunien, une nouvelle version collective du prozac.
A
preuve que Monsieur Obama n’est que l’interface d’une élite qui
en fait son nouveau gadget, son cabinet de campagne, majoritairement
constitué de conseillers ayant appartenu de près ou de loin au clan
Clinton, avec comme stratège international Brzezinsky (celui du Président
Carter) dont il devra appliquer les principes de la domination impériale
plus habilement formulés dans le « Grand échiquier ».10
Il y a aussi les « bons » républicains, comme le secrétaire à la
défense Gates maintenu à son poste, et dont on se demande s’il ne
travaillait pas pour Obama depuis sa nomination sous la seconde administration
Bush, en remplacement de l’incompétent et délirant Rumsfeld. Il
y a encore le secrétaire au Trésor, le président de la Fed de New
York, Timothy Geither qui fera tandem avec Lawrence Sammers, placé
à la tête du Conseil national économique, ce dernier ancien secrétaire
au Trésor de Bill Clinton et ancien président d’Harvard. Du beau
monde. Mais déjà Madeleine Albright a été l’observatrice du futur
président à la Réunion du G20 de novembre 2008 à Washington. Il
y a aussi les appels du pied aux Républicains modérés, certains voient
déjà arriver au gouvernement Colin Powell et Arnold Schwarzeneger.
Et puis enfin il y a Rahm, le lobbyiste très expérimenté de Washington
(ancien conseiller de Freddie Mae en faillite aujourd’hui !), l’homme
qui possède aussi la nationalité israélienne, sioniste radical, nommé
secrétaire de la Maison Blanche (i.e. chef de l’administration présidentielle),
prêchant la guerre contre l’Iran et une aide inconditionnelle à
Israël. Avec ces conseils et d’autres, on ne voit pas très bien
les états-Unis contraindre leur principal allié au Moyen-Orient à
signer enfin une paix, sinon juste, à tout le moins honorable avec
les Palestiniens. Enfin, au moment où j’écris ces lignes, il semblerait
qu’Hillary Clinton négocie avec Obama le poste de Secrétaire d’état,
et le cercle serait ainsi bouclé. Comme Ronald Reagan en son temps
pour les Républicains, Obama un homme de paille pour les Démocrates
et, au-delà pour le pays en sa totalité, que dis-je pour le monde !
Malgré les slogans, les rodomontades, malgré les louanges béates
et bébêtes des masses de par le monde, le changement tant claironné
ne semble guère pour demain… Un peu de sécurité sociale pour les
pauvres, à peine un peu de tolérance pour les critiques alternatifs
sans danger, permettra de faire passer le principal immuable… Une
chose est sûre, Barack Obama n’est pas le produit d’un quelconque
mouvement social qui l’aurait hissé à la candidature comme ultime
recours face à une crise insoluble par les moyens traditionnels. L’enthousiasme
qu’il suscite est venu a posteriori, comme les effets d’une
publicité martelée à tout moment dans un pays désemparé par une
crise économique sans équivalent depuis plus de soixante-dix ans…
Obama est comme le dernier tome d’Harry Potter, ou la dernière version
du ipod de Mac, dès qu’on en annonce la sortie pour le lendemain,
immédiatement d’immenses queues se forment à l’entrée des supermarchés
culturels. Preuve qu’à force de persévérance, et selon la loi de
Mac Luhan, le message est bien passé dans les têtes, avec les effets
escomptés.
Monsieur
Obama a choisi de mettre ses discours sous l’aile protectrice et prestigieuse
d’Abraham Lincoln. Certes, il est le président qui a aboli l’esclavage
(tout en refusant le droit de vote aux noirs !), mais, comme je l’ai
déjà souligné, en tant qu’agent du capitalisme du Nord et de l’Est,
il décide ainsi, avec le chemin de fer, la conquête des marchés du
Sud, la création d’un prolétariat massif et sans force politique
face à ses employeurs. Lincoln, en son temps, était l’homme porteur
du plus radical modernisme… Comme Monsieur Obama l’est aujourd’hui
pour un capitalisme qui, réduisant l’essentiel des différences communautaires
à de pseudo-différences culturelles (multiculturalisme), les différences
biologiques et les comportements sexuels à de prétendues différences
socioculturelles, vise à effacer ce qui demeure le fond de la différenciation
et de l’antagonisme explicite ou implicite dans un pays hypermoderne,
la différence entre les riches et les pauvres, dussent les premiers
instrumenter les seconds en terme de culture. Et il faut la bêtise
crasse et la bassesse des petits blancs du Sud pour manifester, ici
dans les campus, là à l’entrée de petites villes du Sud, un racisme
abject que l’on connaît de longue date. Sauf que présentement, il
faudrait leur dire tranquillement qu’il n’y plus aucun espoir pour
eux, qu’ils ont perdu la partie, que le capitalisme mondialisé par
les hommes politiques blancs qu’ils ont élus (les Bush par exemple)
les a exclus du jeu. Car pour un Bush, un Blair, un Brown, un Sarkozy,
un richissime arabe, indonésien, chinois, indien ou africain, a toujours
plus de valeur qu’un petit blanc raté vivant au fin fond de l’Alabama,
des Midlands ou de la Corrèze. Monsieur Obama est là aussi pour faire
entendre ce nouveau cours des choses, d’abord par l’image, puis
si cela ne suffit pas, par la force. Il est le nouveau visage du capitalisme
planétaire, le nouveau visage lisse, souriant, brave et multiculturel
de l’ordre impérial étasunien. C’est pourquoi, au risque d’en
choquer certains, Monsieur Obama me semble être tout à fait le type
d’homme que le héros noir d’un admirable roman sociographique,
La Croisade de Lee Gordon, de l’écrivain noir américain Chester
Himes, critique violemment, le définissant comme le « nègre blanc
(sic !) ».11 Oui, Monsieur Obama a intégré tous les traits
des serviteurs de l’élite politico-financière étasunienne dominée
sans conteste par les blancs… étant donné les dérégulations mises
en place par les administrations Clinton d’abord puis Bush ensuite
qui ont inexorablement plongé le pays dans le marasme, que dis-je,
dans la faillite économique, Monsieur Obama a été modelé par des
publicitaires pour être l’image « of
the right man at the right place at the right moment ». L’enthousiasme
de l’ensemble du monde occidental 12 et d’une partie de
l’Afrique ne peut que donner raison à ses mentors et légitimer leur
entreprise.
Dans
la presse quotidienne, c’est en Italie que l’on trouve un regard
lucide et cynique au sens étymologique, c’est-à-dire capable d’affronter
le réel dans le blanc des yeux sans négliger et l’ironie et le sarcasme.
Dans La Stampa du 13 novembre 2008, Enzo Bettiza sous le titre
Nonostante Obama écrit : « Dorénavant, Obama devra ôter le masque
fascinant de la rock star en concert et affronter le monde à
visage découvert, et même jouer par la bande avec les Européens,
laissant les pièges et les chausse-trapes au patrimoine de la politique
mondiale de l’ancienne administration. […] Une fois le masque tombé,
il devra aussi abandonner maintes promesses faites durant sa campagne
électorale, particulièrement les plus excessives et les plus naïves
qui lui permettaient d’apparaître sans aucun doute comme le Messie
du changement. » Je pense que déjà la réalité s’est imposée avec
les personnes qui composent son équipe rapprochée… Aussi, une fois
encore aura-t-on vérifié que dans la démocratie représentative de
masse postmoderne, les promesses politiques et économiques n’engagent
que ceux qui y croient… C’est lorsque les gens les plus touchés
par la crise se rendront compte qu’il n’y aura pas de solution pour
eux que des révoltes pourront éclater. Ce sera alors le moment de
vérité, le moment où le masque de la rock star souriante et
lisse de Monsieur Obama se transformera en celui grimaçant et menaçant
du samouraï au combat.
En guise
de conclusion
Si
les élites étasuniennes avaient voulu véritablement montrer au pays
un changement symbolique fort (ne parlons pas d’un changement de système
que seule une révolution pourrait susciter), elles auraient choisi
non pas un métis dont le père ne fut pas un descendant d’esclave,
mais un Indien, un peau-rouge comme on l’écrivait dans les albums
de bandes dessinées de ma jeunesse. Les noirs sont, à leur corps défendant,
le produit de la conquête européenne et donc du pouvoir blanc aux
états-Unis. à ce sujet le cinéaste John Ford ne s’y est pas trompé
avec Sergeant Rutledge (traduit en français par Le Sergent
noir) Il a montré en un temps où le politiquement correct n’était
pas encore l’idéologie dominante, comment les compagnies de soldats
noirs de l’Armée fédérale, objets d’un racisme dur et affiché
de la part des soldats et des officiers blancs, participèrent, par
ailleurs, à la conquête de l’Ouest sans trop s’inquiéter du sort
génocidaire réservé aux Amérindiens.13 Si l’élite
avait souhaité un symbole fort d’une Amérique reconnaissant sa dette
aux autochtones que ses conquérants ont spoliés de leurs terres, de
leur culture et de leurs croyances, c’est un Indien qu’elle aurait
dû promouvoir au poste suprême. Juste retour des choses après tant
de siècles de crimes et d’injustice.14 Mais agissant ainsi,
elle aurait implicitement reconnu l’illégitimité du pouvoir blanc
et par ricochet aussi celui des noirs. Sait-on jamais ? Dieu seul le
sait ou le Diable !
Claude
Karnoouh
Trieste-Paris
Novembre 2008
|
Chestionarul articolului:
|
| |
Azi
Inca nu exista cel mai bun articol, pentru astazi. |
Societatea de maine
Daca nu acum, atunci cînd? Daca nu noi, atunci cine?
S'inscrire a Societatea de maine
Intrati in Societatea de maine
Exercitiu colectiv de imaginatie sociala
|
|
|
Inscriere : fr.groups.yahoo.com
Se dedica profesorului Mircea Zaciu
|
Ferește-te deopotrivã de prietenia dușmanului ca și de dușmãnia prietenului.
Viteazul priveºte pericolul; cutezãtorul îl cautã; nebunul nu-l vede.
Nicolae Iorga
|
Identificare
Inca nu aveti un cont? Puteti crea unul. Ca utilizator inregistrat aveti unele avantaje cum ar fi manager de teme, configurarea comentariilor si publicarea de comentarii cu numele dvs. |
|
|